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Par : Pauline
Publié : 24 octobre 2012
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Interview (fictive) d’Albert Camus pour le journal L’Humanité.

Nous sommes deux journalistes de L’Humanité, Margaux et Pauline . Merci de nous recevoir dans votre résidence. Nous venons pour vous poser quelques questions.

Pour commencer, nous aimerions beaucoup que vous nous parliez de vous. Comment s’est passée votre enfance ? A- t-elle été difficile ?

Je n’ai pas eu la chance de connaître mon père qui est en quelque sorte un héros de guerre puisqu’il est décédé en septembre 1914 lors de la première Guerre Mondiale. De lui, je ne connais qu’une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d’une exécution capitale. Après la mort de mon père nous sommes partis vivre à Belcourt, un quartier pauvre d’Alger. Ma mère ne m’a pas vraiment élevé car elle est à demi-sourde et presque analphabète, c’est donc ma grand-mère qui s’est occupée de mon frère Lucien et moi.

Votre enfance a donc été plutôt mouvementée. Malgré tout, comment avez-vous eu cette envie de vous intéresser aux matières littéraires ?

J’ai eu la chance d’être influencé par mon oncle qui m’a aidé à subvenir à mes besoins : il me fournissait une bibliothèque riche et éclectique.

Quels passe-temps avez vous eu lors de votre enfance ?

J’étais un excellent nageur, mais lorsque j’ai fait mes études au lycée Bugeaud d’Alger, j’ai découvert les joies du football. J’ai même été le gardien de but du lycée. Ce sport m’a laissé d’excellents souvenirs.

Vous avez en effet rendu un vibrant hommage au football en déclarant : « Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c’est au football que je le dois. »

C’est vrai, ce sport a fait de moi un homme meilleur.

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir journaliste ?

Au tout début, la raison qui m’a poussé à être journaliste, c’était uniquement de subvenir à mes besoins. Puis après, j’y ai trouvé une impression de liberté, ça m’a permis de pouvoir défendre mes idées.

Il est vrai que vous avez constamment été fidèle à vos idées. Depuis toujours vous défendez le parti ouvrier. N’est-ce pas ?

Bien sûr, je défendrai toujours ce parti, car il fut longtemps le mien. Mon œuvre accorde une réelle place aux travailleurs et à leurs tourments.

Qu’avez-vous ressenti lorsque le roi de Suède, Gustave VI, vous a remis votre Prix Nobel de Littérature ?

Lorsque j’ai appris cette nouvelle, j’étais au premier étage d’un restaurant et c’est un jeune chasseur qui m’a annoncé que j’avais reçu le Prix Nobel de Littérature. Cette nouvelle m’a bouleversé. Quand j’étais sur le point de recevoir ce prix j’étais même terrorisé, car c’est la plus haute récompense qu’un écrivain puisse espérer.

Lors de votre discours vous avez tenu à rappeler que : « L’écrivain n’est pas au service de ceux qui font l’histoire mais au service de ceux qui la subissent. » Qu’est-ce que signifie cette phrase pour vous ?

Ces quelques mots résument non seulement mon œuvre mais aussi ma vie de philosophe, dramaturge et romancier, comme par exemple lorsque j’ai écrit L’Etranger .

Savez vous que vous êtes l’auteur français le plus traduit à l’étranger ?

Oui, aujourd’hui, loin du temps des polémiques avec Sartre, de la guerre froide et de la guerre d’indépendance de l’Algérie, mon message passe en particulier par L’Etranger , La Peste , par Les Justes , des œuvres qui n’ont jamais cessé d’être lues, traduites ou jouées et moins par L’homme révolté .

Est-ce que l’on peut dire que vous êtes philosophe ?

Je ne suis pas philosophe ; je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système donc, je ne veux pas passer pour un philosophe mais pour un écrivain, un journaliste ou un artiste.

Vous étiez aussi intéressé par le théâtre, n’est-ce pas ?

Oui, très tôt je me suis intéressé au théâtre. En 1936, j’ai fondé le Théâtre du Travail à Alger avec de jeunes intellectuels révolutionnaires, étudiants plus ou moins imprégnés de marxisme. Il y avait également des artistes et des ouvriers, qui étaient généralement militants. J’ai écrit avec trois amis Révolte dans les Asturies , une pièce qui sera interdite. J’ai été résistant durant la Seconde Guerre mondiale, puis je suis devenu rédacteur en chef du journal Combat à la Libération.

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans le parti communiste ?

En 1935, lorsque j’ai préparé ma thèse, j’ai adhéré au parti communiste et j’ai organisé une campagne de propagande auprès des Arabes, dont les conditions de vie m’indignent. Mais à l’issue du voyage de Pierre Laval à Moscou en 1935, les communistes, sur ordre du Kremlin, modifient leur politique de soutien des revendications musulmanes. Je refuse d’obtempérer. J’ai rompu en 1937 avec le parti communiste qui me somme de réviser mes convictions car elles sont favorables aux revendications musulmanes.

Merci de nous avoir reçues et de nous avoir accordé de votre temps.