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Par : C.R, O.P
Publié : 26 octobre 2012
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L’histoire d’Albert Camus

Interview d’Albert Camus

 

 

Suite à la dernière Chronique Algérienne écrite par Albert Camus, nous allons essayer d’en apprendre plus sur cet auteur. Albert Camus, âgé de 45 ans, possède plusieurs facettes ; en effet, il est écrivain, philosophe, essayiste, romancier, dramaturge ainsi que nouvelliste.

Parlons un peu de votre enfance, ainsi que de votre famille ?

Albert Camus : Oui, volontiers , mais vous savez c’est digne d’une de mes nouvelles.

Mes parents se sont mariés le 13 novembre 1909 à Alger. J’ai un frère Lucien Jean Etienne que mes parents ont eu 2 ans avant moi.

Je n’ai connu mon père qu’à travers des photographies. Il est mort en 1914, je n’avais donc qu’un an, mais je sais qu’il a été mobilisé comme deuxième classe dans le premier régiment de zouaves. Il a été blessé à la bataille de la Marne, et évacué à l’hôpital militaire de Saint-Brieuc, où il est mort.

Ma mère est en partie sourde et ne sait ni lire ni écrire, elle ne comprend qu’en lisant sur nos lèvres. Je tiens à lui dire qu’elle est la femme la plus importante de ma vie . Nous habitions chez ma grand-mère , Catherine Marie Cardona, rue de Lyon à Belcourt, un quartier populaire d’Alger, avec les 2 frères de maman, Etienne, qui était sourd-muet, et Joseph.

Mon oncle Gustave Accault chez lequel j’ai effectué souvent de longs séjours, à partir de 17 ans, m’a aidé à subvenir à mes besoins et m’a fourni une bibliothèque riche et éclectique.

Où avez-vous fait vos études, et qui est Louis Germain pour vous ?

Albert Camus : J’ai fait mes études à Alger. C’est à l’école communale que j’ai été remarqué en 1923 par mon instituteur, Louis Germain. C’est lui qui va me donner des leçons gratuites et qui va m’inscrire en 1924 sur la liste des candidats aux bourses. Il est celui qui m’a poussé et qui m’a dit que j’avais du talent pour écrire. Sans lui, je pense que je ne serais jamais devenu écrivain.

Comment avez-vous découvert que vous aviez la tuberculose ?

Albert Camus : J’ai découvert que j’avais la tuberculose lorsque j’ai commencé à avoir d’importants crachements de sang. Les médecins l’ont diagnostiquée en 1930, j’ai donc dû faire un bref séjour à l’hôpital Mustapha. Ce fut d’ailleurs la fin de ma carrière de footballeur et je ne pouvais plus qu’étudier à temps partiel.

Vous jouiez au football ! quel poste aviez-vous ?

Albert Camus : Oui, je jouais au football, je m’étais fait une réputation en temps que gardien de but au lycée Bugeaud, c’est d’ailleurs à ce moment là que j’ai découvert la philosophie. Jouer à un sport d’équipe vous apprend tout de suite qu’une balle ne vous arrive jamais du côté où l’on croit. Ça m’a servi dans l’existence et surtout dans la capitale où l’on n’est pas franc du collier. 

C’est en 1935 que vous avez rejoint le parti communiste et écrit un roman, non ?

Albert Camus : Oui c’est exact, cette année-là j’avais écrit L’Envers et l’Endroit. Mais ce livre n’a été publié que deux ans après, par Edmond Charlot, que je remercie grandement, dans la librairie où se retrouvent les jeunes écrivains algérois, tels que Max-Pol Fouchet. Mais comment l’avez-vous su ? [petit rire]

Un journaliste ne divulgue jamais ses sources.

Albert Camus : Bien dit. J’ai rejoint le parti communiste français la même année car mes deux auteurs préférés, Gide et Malraux, en étaient proches et aussi car les idéologies de l’extrême droite me révulsaient.

Parlons de votre vie professionnelle. Vous avez fondé un théâtre, vous voulez bien nous en parler ?

Albert Camus : Bien sûr, oui j’ai créé un théâtre à Alger, le Théâtre du Travail, mais je l’ai rebaptisé en 1937 le Théâtre de l’Equipe. J’ai créé ce théâtre pour apporter aux œuvres la vérité et la simplicité, la violence dans les sentiments et la cruauté dans l’action. C’est à la fois le visage de la vie et l’idéal du bon théâtre. Servir cet idéal et faire aimer ce visage, c’est le programme du Théâtre de l’Equipe.

D’ailleurs la première pièce jouée était une adaptation de « Malraux » dont les répétitions m’ont permis de nouer une amitié avec Emmanuel Roblès, un autre écrivain.

Vous avez travaillé dans un journal créé par Pascal Pia ?

Albert Camus : Oui, j’ai travaillé au journal Alger Républicain qui était l’organe du quotidien Front Populaire. J’y suis devenu rédacteur en chef. Suite à la déclaration de la seconde guerre mondiale en 1939, le journal fut interdit par le gouvernement général de l’Algérie.

Comment avez-vous pris la direction du journal Combat ?

Albert Camus : C’est en 1943, j’étais lecteur chez Gallimard et j’ai pris la direction de Combat lorsque Pascal Pia a été appelé à d’autres fonctions dans la Résistance.

Vous menez de nombreux combats dans votre vie. Comment avez-vous réagi face à la bombe atomique lancée par les Américains sur la ville d’Hiroshima ?

Albert Camus  : Si je me souviens bien, j’étais le seul intellectuel occidental à avoir dénoncé l’usage de cette arme atroce sur cette ville, qui n’avait strictement rien fait ni ses habitants non plus.

Pourquoi avoir signé une pétition pour gracier Robert Brasillach ?

Albert Camus : Il est vrai que j’ai signé ce document, car c’était une personnalité intellectuelle qui je pense, se devait de continuer à vivre.

En 1956, vous avez lancé un « Appel pour la trêve civile » . Pourquoi êtes-vous parti d’Algérie après cet appel ?

Albert Camus : Je suis parti car j’étais la cible de menaces de mort. Le fait d’avoir écrit mon plaidoyer pacifique n’a pas été perçu comme je l’entendais. On m’a reproché de ne pas avoir milité pour l’indépendance de l’Algérie. Et donc, haï par les défenseurs du colonialisme français, j’ai été forcé d’évacuer mon pays sous protection d’Alger.

 Quelle vie pleine de rebondissements ! Intéressons-nous à vos œuvres. Sont-ce ces différents événements qui vous ont inspiré à créer « l’Absurde » ?

Albert Camus : Oui, nous pouvons dire que la création du cycle de l’absurde est dûe à ce que j’ai vécu.

Et selon vous, vos œuvres appartiennent-elles toutes à ce courant littéraire ?

Albert Camus : Non, même s’il est vrai que la plupart de mes œuvres se range dans le cycle de l’absurde, ainsi que les pièces de théâtre Le Malentendu et Caligula écrites en 1944, toutes n’en font pas parties, exemple La Peste que j’ai écrit en 1947.

Justement, 1947 et 1949 sont deux années avec deux succès littéraires, celui du roman La Peste en 1947, suivi par celui de la pièce de théâtre Les Justes. Qu’avez-vous ressenti en voyant ce succès ?

Albert Camus : J’ai été honoré, bien entendu. Qui ne le serait pas ?

En 1957, vous avez reçu le prix Nobel de Littérature, c’est une consécration pour vous ?

Albert Camus : Je ne vais pas vous faire un discours comme à la fin de cette cérémonie, mais ce fut un énorme honneur. Ma gratitude envers cette Académie sera infinie car ce prix dépasse mes mérites personnels. Nous désirons tous être reconnus. C’est pourquoi je suis extrêmement fier et reconnaissant. Cependant d’autres écrivains le mériteraient autant que moi. Mais je l’avoue en toute modestie, je le suis encore plus d’avoir été reconnu par mes confrères.

Que représente pour vous votre art ?

Albert Camus : Comme je l’ai dit lors de mon discours à la remise du Prix Nobel, je ne peux vivre sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. Il m’est nécessaire car il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est pour moi un moyen d’émouvoir le plus grand nombre de personnes en offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes.

 

Interview réalisée par Claire et Océane,

lundi 1er octobre 1958