Vous êtes ici : Accueil > Archives du Blog > Année 2012-2013 > Autour de Camus et L’Etranger > Interview d’un auteur de l’absurde : Albert Camus
Publié : 23 octobre 2012
Format PDF Enregistrer au format PDF

Interview d’un auteur de l’absurde : Albert Camus

Dans cette interview de 1958, nous allons interroger le célèbre écrivain, mais aussi philosophe et dramaturge, Albert Camus qui accepte gentiment de répondre à nos questions.

Nous sommes donc 13 ans après la publication de L’étranger, roman à succès traduit en plus en 40 langues.

Nous voudrions connaître avant tout des informations vous concernant. Pour commencer dans quelle ville êtes-vous né et où avez-vous vécu durant votre enfance ?

Je suis né à Mondovi en Algérie et j’ai vécu la-bas. Ma famille faisait partie des premiers arrivants dans l’Algérie depuis la colonisation de la France.

- Pouvez vous nous parler de votre famille et de votre vie en Algérie ainsi que votre cursus scolaire ?

Pour commencer, mon père se nommait Lucien Camus. Il était ouvrier agricole et ma mère se nommait Catherine Sintes et était servante. Mon père fut appelé à se battre lors de la première guerre mondiale et il va y laisser sa vie, lors de la Bataille de la Marne. Je n’ai donc jamais connu mon père. Ma mère décida alors de s’installer à Alger. Je poursuivis mes études au lycée Bugeaud. C’est ici que j’ai commencé à jouer au football et que j’ai commencé aussi à prendre goût à la philosophie. J’ai obtenu mon BAC en 1932.

- Vous avez reçu le prix Nobel de littérature l’année dernière. Êtes vous heureux d’avoir reçu ce prix ?

Oui, bien sûr, je suis heureux, mais j’espère aussi que j’ai apporté quelque chose en plus au monde grâce à mes livres en offrant à mes lecteurs plusieurs points de vue sur l’humanité. J’espère avoir marqué la littérature française.

Nous allons passer maintenant à des questions sur vos œuvres littéraires : tout d’abord : vous qualifiez de « cycle de l’absurde » vos œuvres suivantes : L’étranger, Caligula, Le Malentendu et Le Mythe de Sisyphe. Pourquoi ?

Ce sont pour moi des œuvres qui invitent à une prise de conscience sur « l’absurdité » du monde tragique. Ainsi que d’une humanité marquée par la solitude et la souffrance, en offrant au lecteur une partie des sentiments du personnage.

- Le « cycle de l’absurde » est suivi d’un certain « cycle de la révolte » composé de 3 œuvres majeures : La Peste, Les Justes et L’Homme révolté. Dans quelles circonstances avez-vous écrit les œuvres citées précédemment ?

Le cycle de la révolte vient d’une certaine évolution du cycle de l’absurde qui mène à un renouveau du monde. J’ai écrit ces œuvres dans un esprit de révolte des personnages par rapport au cycle précédent.

- Beaucoup de personnes se posent des questions quant à vos œuvres. Peut-on vous classer parmi les philosophes pour au moins une partie de vos œuvres ?

Dans mes œuvres, j’essaye d’élaborer une philosophie existentialiste de l’absurde qui viendrait d’une prise de conscience de l’absence de Dieu et donc l’absence d’un sens à la vie. Si je devais faire passer un message précis, je dirais que l’homme peut dépasser l’absurdité par la révolte contre sa condition et contre l’injustice.

- Pourriez-vous nous dire dans quelles œuvres et comment ce message est reflété ?

Oui, naturellement. Dans le roman La Chute, j’ai voulu faire passer le message en me tournant vers un humanisme sceptique et lucide pour lequel il convient avant tout d’être juste. Cela veut dire qu’il faudrait un monde où tous les hommes sont égaux.

- Effectivement, c’est l’impression que j’ai éprouvée en le lisant.

Mais d’où vous est venu ce talent pour l’écriture ?

Très bonne question, car si je suis ici aujourd’hui, c’est en parti grâce à mon professeur Jean Grenier. Lorsque j’étais au lycée, il m’a beaucoup encouragé, et il était lui-même écrivain et philosophe. Je lui ai d’ailleurs dédié mon premier livre L’envers et l’endroit.

- Mais quand on vous compare avec Jean Grenier nous constatons que vous avez pris des voies opposées, non ?

Il est vrai que Jean dans ses romans est plus proche de « Wou-Wei » (non-agir), qui est un précepte du « Tao », et que moi je suis plus orienté vers la révolte, mais il reste néanmoins un très bon ami.

- Pensez-vous que vous allez continuer à écrire et publier un autre roman ?

Je ne vous cache pas que je suis déjà en train de réfléchir au titre de mon futur récit. J’ai commencé a rédiger plusieurs idées que je vais essayer de développer, mais je n’en dirai pas plus, car je ne suis encore sûr de rien.

- Bien sûr, je comprends, mais n’avez-vous pas une petite idée du titre que vous donnerez à cette œuvre ?

Pour le moment j’ai pensé que mon oeuvre pourrait s’intituler « Le premier homme », mais il est encore en phase d’écriture.

Nous remercions Albert CAMUS de nous avoir accordé de son temps pour cette interview.

Quentin et Gaël