eh oui, effectivement, cela peut paraître étrange car la tradition populaire veut que le Moyen-Âge soit une sombre époque où seul le roulement des tambours de guerre et le doux bruit des épées décapitant les gueux insolents soient considérés comme musique.
Rutebeuf est méconnu par notre génération qui elle, est bien habituée aux tapages sans goût et sans rythme de David Guetta, le seul DJ qui joue aussi bien avec les mains qu’avec les pieds.
Il ( non pas David Guetta mais Rutebeuf ) fut peut-être jongleur et vécut à Paris. Il est surtout connu pour ses œuvres polémiques et satiriques envers les puissants de son époque. C’est l’un des premiers à écrire des poèmes personnels, c’est- à-dire qui expriment ses propres sentiments et le regret de ses amis du passé.
Voici les paroles originales écrites il y a près de 800 ans par RUTEBEUF (vers 1225-vers 1285) :
Complainte Rutebeuf, v. 107 à 126.
Limal ne sevent seul venir ;
Tout ce m’estoita avenir
S’est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si prestenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop clersemé ;
Ils ne furent pas bien femé,
Si sont failli.
Itelami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
En maint costé,
N’en vi un seul en mon osté.
Je cuit li vens les a osté.
L’amor est morte :
Ce sont ami que vens en porte,
Et il ventoit devans ma porte
Ses enporta,
C’onques nus ne m’en conforta
Ne du sien riens ne m’aporta.
Aujourd’hui, enfin il y a déjà plus de 50 ans, Léo Ferré faisait redécouvrir au monde ce poème presque millénaire dans une adaptation pleine d’émotion et de sentiments.
Quelques années plus tard, reprenant la version du chanteur, Joan Baez, chanteuse des années 60-70 engagée pour la paix, revisite le poème avec sa voix à la fois douce et mélancolique telle que Rutebeuf l’aurait voulu.
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte.
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
Avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d’hiver.
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière.
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte.
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est avenu.
Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
L’espérance de lendemain
Ce sont mes fêtes.
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Dernière mise à jour : lundi 24 janvier 2022