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Publié : 30 mai 2013
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Complainte millénaire

Rutebeuf et Joan Baez

Rutebeuf, grand poète du Moyen-Âge...

eh oui, effectivement, cela peut paraître étrange car la tradition populaire veut que le Moyen-Âge soit une sombre époque où seul le roulement des tambours de guerre et le doux bruit des épées décapitant les gueux insolents soient considérés comme musique.

Rutebeuf est méconnu par notre génération qui elle, est bien habituée aux tapages sans goût et sans rythme de David Guetta, le seul DJ qui joue aussi bien avec les mains qu’avec les pieds.

Il ( non pas David Guetta mais Rutebeuf ) fut peut-être jongleur et vécut à Paris. Il est surtout connu pour ses œuvres polémiques et satiriques envers les puissants de son époque. C’est l’un des premiers à écrire des poèmes personnels, c’est- à-dire qui expriment ses propres sentiments et le regret de ses amis du passé.

 

Voici les paroles originales écrites il y a près de 800 ans par RUTEBEUF (vers 1225-vers 1285) :

Complainte Rutebeuf, v. 107 à 126.

Limal ne sevent seul venir ;

Tout ce m’estoita avenir

S’est avenu.

Que sont mi ami devenu

Que j’avoie si prestenu

Et tant amé ?

Je cuit qu’il sont trop clersemé ;

Ils ne furent pas bien femé,

Si sont failli.

Itelami m’ont mal bailli,

C’onques, tant com Diex m’assailli

En maint costé,

N’en vi un seul en mon osté.

Je cuit li vens les a osté.

L’amor est morte :

Ce sont ami que vens en porte,

Et il ventoit devans ma porte

Ses enporta,

C’onques nus ne m’en conforta

Ne du sien riens ne m’aporta.

Aujourd’hui, enfin il y a déjà plus de 50 ans, Léo Ferré faisait redécouvrir au monde ce poème presque millénaire dans une adaptation pleine d’émotion et de sentiments.

Quelques années plus tard, reprenant la version du chanteur, Joan Baez, chanteuse des années 60-70 engagée pour la paix, revisite le poème avec sa voix à la fois douce et mélancolique telle que Rutebeuf l’aurait voulu.

Adaptation de Léo FERRE en 1955 dans une interprétation de Joan BAEZ …

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L’amour est morte.

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte

Les emporta.

Avec le temps qu’arbre défeuille

Quand il ne reste en branche feuille

Qui n’aille à terre

Avec pauvreté qui m’atterre

Qui de partout me fait la guerre

Au temps d’hiver.

Ne convient pas que vous raconte

Comment je me suis mis à honte

En quelle manière.

Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés

Ils ont été trop clairsemés

Je crois le vent les a ôtés

L’amour est morte.

Le mal ne sait pas seul venir

Tout ce qui m’était à venir

M’est avenu.

Pauvre sens et pauvre mémoire

M’a Dieu donné le roi de gloire

Et pauvre rente

Et droit au cul quand bise vente

Le vent me vient le vent m’évente

L’amour est morte

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte

Les emporta.

L’espérance de lendemain

Ce sont mes fêtes.