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Par : Emeline
Publié : 19 mars 2013
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Cannibales, Indiens, Aborigènes, figures de l’Autre

Alors que nous étudions Montaigne et son chapitre Des Cannibales en cours de français, qui aborde entre autres le thème de la découverte des Amérindiens et propose au lecteur une réflexion autour du mot "barbare", je vais tenter de rendre un peu plus concrètes toutes ces notions en vous parlant pour ma part du peuple aborigène.

Le rapport entre ces deux sujets peut paraître un peu obscur au premier abord ; cependant ils représentent tous deux l’Autre et tous les préjugés que l’Européen peut avoir sur lui.

Les Indiens d’Amérique et les Aborigènes d’Australie, malgré leurs différences de culture, de localisation et la période différente où ils ont été découverts, sont deux peuples qui ont été victimes de massacres et de persécutions par les Européens.

Les Aborigènes sont originaires d’Australie.

Peuple nomade, se déplaçant selon ses besoins en nourriture et en eau sur une terre aride, possédant un système de croyances très élaboré nommé le Temps du Rêve et vivant en parfaite harmonie avec son monde pourtant inhospitalier, c’est le peuple Aborigène tel que l’a découvert James Cook en 1770 lorsqu’il prend possession de l’Australie.

Le navigateur, mandaté par la couronne d’Angleterre, vient alors de découvrir le continent austral, dont il se saisit, sous réserve d’un traité signé avec les indigènes.

On pourrait donc croire qu’un peu de considération serait faite envers la population d’origine du continent. Pourtant, rapidement, lorsque les premiers colons s’installent en Australie, une compétition pour la possession des terres et des ressources naturelles s’engage. Dès lors, sur un territoire fait principalement de déserts et de terres peu fertiles, chaque concurrent devient un ennemi mortel.

Les Aborigènes, n’étant pas considérés par les Européens comme des êtres humains, sont alors dépossédés de leurs terres et chassés comme du gibier si par malheur leur route rencontre celle des colons, ce que la loi tolère entièrement.

La population, ravagée par ces massacres, par les maladies et le manque de nourriture, passe alors de 1 million d’individus à environ 265 000 de nos jours, ce qui rappelle tristement le sort des Amérindiens. Tout comme eux, les Aborigènes furent acculturés, pourchassés, parqués dans des réserves misérables. Leur patrimoine culturel, d’une richesse extraordinaire comme nous avons pu le constater dans l’exposition consacrée aux Aborigènes au Musée du Quai Branly, s’est peu à peu perdu, effacé par l’horreur des Générations Volées.

Avez-vous déjà entendu parler de ce vaste programme de l’Etat australien ?

Ce projet, visant à enlever tout les enfants aborigènes ou métis à leur famille pour les placer dans des camps où une éducation occidentale leur était inculquée, avait pour but de les couper totalement de leur culture et de leur peuple. Les enfants, parfois très jeunes, avaient alors l’esprit reformaté pour qu’il soit "conforme" à la norme occidentale. Autant de familles brisées et éparpillées dans le seul but d’éliminer toute trace de sang aborigène en Australie, cela peut faire frémir, surtout que cela ne prit fin que dans les années 70.

Bien sûr, depuis, les mentalités ont changé en Australie.

De nos jours, les Générations Volées ne sont plus qu’un douloureux souvenir pour le peuple aborigène et l’Etat australien a reconnu le tort causé aux familles aborigènes dévastées.

Un "National Sorry Day" (Journée nationale du pardon) a été instauré le 26 mai, afin de réconcilier ces deux civilisations.

Mais cela reste un exemple concret et contemporain qui peut illustrer le propos de Montaigne dans Des Cannibales ; un exemple qui nous permet de saisir l’importance que les préjugés et l’ethnocentrisme peuvent avoir, ainsi que la toute relativité de nos mentalités d’occidentaux bien pensants, qu’elles datent du XVIe siècle ou de nos jours...

Si vous souhaitez en apprendre plus sur la condition des Aborigènes au XXe siècle et sur les Générations Volées, je vous propose un film de Philip Noyce, de 2002, The Rabbit Proof Fence

Ce film est tiré d’une histoire vraie incroyable et bouleversante, celle de Molly, petite fille victime des Générations Volées qui va faire une traversée du désert australien seule et à pied avec sa soeur et sa cousine pour retrouver sa famille.