"Zazie, c’est un film épuisant pour le spectateur ; on en prend plein les yeux et plein les oreilles ! C’est un festival de burlesque, un festival de couleur ! Il y a trop de jeux de mots, trop d’effets, trop de gags !"
Pour tous ceux qui n’ont pas pu venir hier à l’apollo et qui ont manqué la projection du film de Louis Malle, Zazie dans le métro, présentée par Marie-Claude Cherqui, docteur en littérature et civilisation française, auteure d’une thèse intitulée : Raymond Queneau, écrivain de cinéma, voici quelques notes prises pendant ses interventions.
Quand Louis Malle adapte le roman de Queneau, il est encore un jeune cinéaste qui n’a que trois films derrière lui dont Ascenseur pour l’échafaud avec Jeanne Moreau, sur la musique de Miles Davis (dont on retrouve une séquence transposée dans Zazie, l’errance de l’héroïne dans les rues de Paris, la nuit, sur fond de musique jazz.)
Queneau est un écrivain déjà mûr. En 59, le roman est un immense succès commercial (ce sera le seul.) Malle cherche un thème et un texte pour explorer toutes les formes du cinéma. Ce sera Zazie, roman comique, roman sur l’identité et ses flottements, roman très dialogué, sur le langage et ses pouvoirs, roman saturé de références culturelles, de citations littéraires, d’auto-citations, roman « à voir » pour son traitement burlesque du langage, par la création d’une orthographe phonétique, et d’une syntaxe agglutinée.
« Je trouvais que le pari qui consistait à adapter Zazie à l’écran me donnerait l’occasion d’explorer le langage cinématographique. C’était une œuvre brillante, un inventaire de toutes les techniques littéraires, avec aussi, bien sûr, de nombreux pastiches. C’était comme de jouer avec la littérature et je m’étais dit que ce serait intéressant d’essayer d’en faire autant avec le langage cinématographique. » Conversation avec Louis Malle de Philip French, Ed. Denoël.
Il travaille incroyablement vite puisque le film paraît en 60 et son adaptation manifeste une remarquable compréhension du roman de Queneau, facile en apparence, en réalité très complexe.
Comme le roman, le film de Louis Malle est saturé de références, mais cinématographiques ; à une époque où le burlesque n’est pas à la mode et où Jacques Tati a beaucoup de mal à faire ses films, c’est un hommage au cinéma burlesque, celui de Méliès, Tex Avery, Charlot, Harold Lloyd et ses grosses lunettes rondes, des courses poursuites des bombes qui explosent et des décors qui s’effondrent. On voit défiler tous les genres, le western, le polar, la comédie musicale...
Des plans rappellent les films de Cocteau (Orphée),
Resnais (Hiroshima mon amour),
Le cinéma de Louis Malle est, en effet, proche des recherches de la Nouvelle Vague.
Mais c’est aussi un film dont les images empruntent à la peinture et à la photographie. Dans la séquence de le Tour Eiffel qui est (au propre et au figuré) le sommet du film, Louis Malle a filmé la Tour en la morcelant à la façon du peintre Delaunay et du photographe Marc Riboud.
Il est le décorateur attitré de Jacques Demy avec qui il a travaillé dans huit de ses films, en particulier la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort.
Il a collaboré également avec les cinéastes de la Nouvelle Vague, François Truffaut, Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Agnès Varda.
Bernard Evein joue sur l’artifice (les décors se démontent, se remontent à vue) et sur la couleur.
"La réussite la plus flamboyante du décorateur pour Malle demeure certainement Zazie dans le métro pour lequel il crée des décors délirants mettant en cause toutes les règles de la décoration classique : les faux raccords y sont légion et le film se termine par l’apparition des murs mêmes du studio, une fois les semblants de décor tombés dans la bagarre généralisée qui clôt l’action." "Bernard Évein, décorateur de la Nouvelle Vague" par Jean-Pierre Berthomé
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Dernière mise à jour : lundi 24 janvier 2022