Vous êtes ici : Accueil > Archives du Blog > Master Minds > Agora et forum > Le mythe des Sabines
Par : Thibault
Publié : 14 avril 2011
Format PDF Enregistrer au format PDF

Le mythe des Sabines

Romains vs Sabins

UNE VILLE … OUI, MAIS VIDE

Après avoir fondé la ville, Romulus se préoccupa de la peupler. Pour cela, il la transforma en lieu d’asile. Tous les hors-la-loi d’Italie, les bannis, les meurtriers, et les esclaves fugitifs purent s’y réfugier. Mais la nouvelle cité manquait de femmes.

Romulus, prenant conscience du problème, fit des démarches auprès des petites cités alentour(Cures, Caenina, Crustumérium, Antemnae, etc.) afin d’organiser des mariages. Le roi envoya des ambassadeurs auprès des peuples voisins pour qu’ils demandent une alliance et des mariages réciproques. Nulle part on n’écouta l’ambassade favorablement, car on craignait la naissance d’une société rivale. Les Romains se décidèrent à employer la ruse et la force.

ENLEVEMENT DES SABINES

Romulus décida d’organiser les Consualia (grandes courses de chevaux), en l’honneur de Neptune, des festivités donnant lieu à des jeux et à des représentations théâtrales. Il y invita les habitants des villages alentour. Ces derniers vinrent en foule, poussés par la curiosité de voir la nouvelle ville. Au signal donné par Romulus, les Romains enlevèrent les jeunes filles en âge d’être mariées et les femmes de leurs hôtes, puis chassèrent ces derniers (on parle de l’enlèvement des Sabines, car les habitants de Cure étaient appelés les Sabins.).

Romulus supplie alors les femmes enlevées d’accepter les Romains comme époux.
Les femmes enlevées sont bien traitées, Romulus leur offre le libre choix et leur promet droits civiques et droits de propriété. Il parle à chacune d’elle personnellement et leur montre « que cette violence ne doit être imputée qu’à l’orgueil de leurs pères, et à leur refus de s’allier, par des mariages, à un peuple voisin ; que cependant c’est à titre d’épouses qu’elles vont partager avec les Romains leur fortune, leur patrie, et s’unir à eux par le plus doux nœud qui puisse attacher les mortels, en devenant mères. » Elles vivront honorablement dans les liens du mariage et partageront les biens et les droits civiques de leurs époux. Et, vœu cher à tous les êtres humains, elles seront les mères d’hommes libres.

"L’enlèvement des Sabines", Nicolas Poussin, 1637–1638, Musée du Louvre, Paris
Cliquez sur l’image pour voir le tableau en plus grand.

LA GUERRE

Rendues furieuses par le mauvais tour que leur avait joué Romulus, les cités formèrent alors une coalition, menée par Titus Tatius, roi de Cures. Ce dernier déclara la guerre aux Romains. Le conflit commença par être favorable à Romulus. Avec ses hommes, il parvint à vaincre dans un premier temps les soldats de la cité de Caenina (leur chef Acron fut tué), puis les habitants de Crustumérium et ceux d’Antemnae. Romulus accueillit cependant les vaincus dans sa ville, ce qui permit d’augmenter la population et aux familles séparées de se retrouver.

LE CAS DES SABINS ET LA TRAHISON DE TARPEIA

Seuls les Sabins persistent à faire la guerre. C’est alors que se produit une trahison : les Sabins, conduits par le général Tatius, arrivent sous les murs de Rome où ils rencontrent Tarpéia, une Vestale, qui est la fille du commandant romain.

La voyant parée de bijoux, Tatius comprend qu’elle les aime par dessus tout. Il lui promet tous les bijoux qu’elle souhaite, si elle accepte de les faire pénétrer dans la citadelle du Capitole, qui surplombe Rome. Tarpéia demande des colliers d’or, des pierreries, de gros bracelets d’argent que les Sabins portaient au bras gauche.

Tarpéia ouvre les portes de la citadelle ; au passage, les soldats sabins lui jettent à la tête les lourds bijoux, et même les boucliers qu’ils portaient aussi au bras gauche : la jeune fille meurt écrasée par les boucliers.

Tarpéia écrasée sous les boucliers des Sabins, pièce de monnaie romaine du Ier siècle avant Jésus Christ.

Ele fut jetée d’un rocher qui porte depuis son nom la Roche Tarpéienne. Tarpéia est ainsi punie pour sa trahison par les ennemis-mêmes de son père, tant son crime est impardonnable. Tatius parvient ainsi, par la ruse et la surprise, à s’emparer du Capitole.

Roche tarpéienne

RETOURNEMENT DE SITUATION

Mais Romulus et les Romains réagissent, s’arment et montent à l’assaut de la citadelle. L’avancée romaine est conduite par Hostus Hostilius alors que le front sabin est mené par Mettus Curtius. Quand le premier tombe sous les coups de l’adversaire, les lignes romaines cèdent et se retirent à la porte du Palatium.

Comme la défaite menaçait de tourner au désastre, Romulus adressa une prière à Jupiter. Il promit de lui élever un temple à l’endroit où il renverserait le sort de la bataille. Le roi des dieux l’exauça. Les Romains cessèrent de reculer, firent face et mirent en fuite leurs ennemis. Romulus tint sa promesse et fit élever un temple sur le Capitole.

L’affrontement se poursuit. Mettus Curtius est désarçonné et fuit la bataille ; les Romains prennent alors le dessus. Les femmes interviennent à ce moment-là pour réconcilier les belligérants, car elle sont déchirées entre d’un côté, leurs pères, frères, oncles … de l’autre, leurs époux, pères de leurs enfants, nés depuis leur enlèvement …

Devant le massacre, et pour sauver ceux qu’elles aiment dans les deux camps, les Sabines s’interposent avec leurs enfants, allant ainsi jusqu’à exposer leur vie pour faire cesser les combats...

"L’intervention des Sabines", Jacques-Louis David, 1799, Musée du Louvre, Paris
Cliquez sur l’image pour voir le tableau en plus grand.

Elles criaient : « Si vous êtes las de ces liens de parenté, de ces obligations matrimoniales, alors tournez votre colère sur nous, c’est nous qui sommes la cause de cette guerre, c’est nous qui avons blessé et tué nos maris et nos pères. Nous préférons mourir plutôt que de vivre sans l’un ou l’autre, comme des veuves ou des orphelines. »

LE REGNE DE ROMULUS ET TITUS TATIUS

Après la réconciliation, les Sabins acceptent de former une seule nation avec les Romains et le roi des Sabins, Titus Tatius, dirigera Rome, conjointement avec Romulus, jusqu’à sa mort cinq ans plus tard. Les Sabins nouvellement résidents à Rome vécurent sur la colline du Capitole.

Titus Talius, pièce de monnaie

Accompagné par ses Célères, Romulus passa par la suite de nombreuses années à lutter contre ses proches voisins, les Etrusques des cités de Véies et de Fidènes. Romulus parvint à les contraindre de faire la paix avec Rome en échange de territoires.

Romulus, pièce de monnaie

Iam Sabinorum omnis multitudo cum liberis ac coniugibus uenit…

« La nation entière des Sabins vint aussi avec les femmes et les enfants. L’hospitalité leur ouvrit les demeures des Romains, et à la vue de la ville, de son heureuse situation, de ses remparts, du grand nombre de maisons qu’elle renfermait, déjà ils s’émerveillaient de son rapide accroissement. Arrive le jour de la célébration des jeux. Comme ils captivaient les yeux et les esprits, le projet concerté s’exécute : au signal donné, la jeunesse romaine s’élance de toutes parts pour enlever les jeunes filles. Le plus grand nombre devient la proie du premier ravisseur. Quelques-unes des plus belles, réservées aux principaux sénateurs, étaient portées dans leurs maisons par des plébéiens chargés de ce soin. Une entre autres, bien supérieure à ses compagnes par sa taille et sa beauté, était, dit-on, entraînée par la troupe d’un sénateur nommé Talassius ; comme on ne cessait de leur demander à qui ils la conduisaient, pour la préserver de toute insulte, ils criaient en marchant : à Talassius. C’est là l’origine de ce mot consacré dans la cérémonie des noces.

La terreur jette le trouble dans la fête, les parents des jeunes filles s’enfuient frappés de douleur ; et, se récriant contre cette violation des droits de l’hospitalité, invoquent le dieu dont le nom, en les attirant à la solennité de ces jeux, a couvert un perfide et sacrilège guet-apens. Les victimes du rapt partagent ce désespoir et cette indignation ; mais Romulus lui-même, les visitant l’une après l’autre, leur représente que cette violence ne doit être imputée qu’à l’orgueil de leurs pères, et à leur refus de s’allier, par des mariages, à un peuple voisin ; que cependant c’est à titre d’épouses qu’elles vont partager avec les Romains leur fortune, leur patrie, et s’unir à eux par le plus doux nœud qui puisse attacher les mortels, en devenant mères. Elles doivent donc adoucir leur ressentiment, et donner leurs cœurs à ceux que le sort a rendus maîtres de leurs personnes. Souvent le sentiment de l’injure fait place à de tendres affections. Les gages de leur bonheur domestique sont d’autant plus assurés, que leurs époux, non contents de satisfaire aux devoirs qu’impose ce titre, s’efforceront encore de remplacer auprès d’elles la famille et la patrie qu’elles regrettent. À ces paroles se joignaient les caresses des ravisseurs, qui rejetaient la violence de leur action sur celle de leur amour, excuse toute puissante sur l’esprit des femmes. »

Tite-Live, Histoire romaine , I, 9, traduction de Désiré Nisard

SOURCES :
- mythologica.fr
- anciennegypte.pagesperso-orange.fr
- ac-nice.fr
- ac-grenoble.fr
- wikipedia.org