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Par : Karly
Publié : 27 avril 2017
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La vie des philosophes à Cordoue.

Sénèque, Lucain, Averroès et Maïmonide

La ville de Cordoue, qui est l’une des huit provinces d’Andalousie, est le chef-lieu de la province de Cordoue. Le nom  "Andalousie" est en réalité dérivé du mot arabe "Al Andalus" qui est la marque même de l’influence musulmane qu’a connue cette région du VIIIe au XVe siècle.

Ville de diversité, de connaissances ainsi que de tolérance, Cordoue s’est distinguée au cours des siècles par ses savants, ses philosophes, ses écoles ainsi que ses merveilleux monuments telle la grande Mosquée-Cathédrale.

Les quatre principaux philosophes nés à Cordoue sont : Sénèque, Lucain, et Maïmonide.

SÉNÈQUE
               

Sénèque (en latin:Lucius Annæus Seneca)
La mort de Sénèque, tableau du peintre baroque Rubens (1615) Museo del Prado, Madrid.
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Le philosophe naquit à Cordoue entre l’an 4 (av. JC) et l’an 1 (ap. JC). Une tante maternelle l’emmena très jeune à Rome. Il étudia la grammaire et la rhétorique dans le forum, mais très vite il se tourna vers la philosophie. Sa formation fut des plus variées. Il étudia avec Sotion, un philosophe éclectique [1], avec le stoïcien Attalos et avec Papirio Fabiano. Plus tard, il fut ami intime du cynique Demetro. Il alla en Égypte avec son oncle et revint en l’an 31 à Rome où, grâce aux influences familiales, il fut nommé questeur [2].
Son style brillant d’orateur et d’écrivain s’était affirmé quand l’empereur Caligula arriva au pouvoir en l’an 39. Selon les dires de Dion, la mégalomanie [3] de l’empereur ne permit pas que la célébrité de Sénèque lui fasse ombrage. En 41, accusé d’adultère avec Julia Livilla, soeur de Caligula, il fut exilé en Corse et y resta jusqu’en 49, année où, grâce à l’influence d’Agrippine, il fut rappelé à Rome et nommé préteur. En 51, il fut aussi nommé tuteur du jeune Néron qui dès son accession le nomme conseiller politique et ministre. Pendant les huit années suivantes, Sénèque et Burrus gouvernèrent bien l’empire. Leur politique, baseé sur le compromis et la diplomatie plus que sur les innovations et l’idéalisme, fut modeste mais efficace. Lorsque d’autres personnes, qui encourageaient les crimes de Néron, commencèrent à avoir plus d’influence sur lui, la position de Sénèque devint intolérable. À la mort de Burrus en 62, Sénèque se trouvant sans appui, demanda à Néron la permission de se retirer de la cour et lui fit don de son immense fortune. On lui accorda tacitement la retraite mais sa fortune ne fut acceptée que plus tard. Pendant cette période-là, Sénèque n’apparaît pas en public, reste très peu à Rome, et consacre son temps à converser avec ses amis. En 65, il est accusé d’être compromis dans la conjuration de Pison contre Néron. Si Pison avait gagné, Sénèque serait certainement revenu au pouvoir politique. Comme la conspiration fut découverte, on le condamna au suicide.

Les œuvres qui nous restent de Sénèque peuvent être divisées dans quatre catégories : les dialogues moraux, les lettres, les tragédies et les épigrammes [4]. La philosophie de Sénèque se dilue dans ces oeuvres. Il n’écrivit jamais une oeuvre purement philosophique ; sa pensée philosophique, ses idées stoïciennes s’exprimèrent tout au long de son oeuvre et imprégnèrent son analyse de toutes les situations.
Dix oeuvres morales constituent les dialogues conservés dans un manuscrit de la bibliothèque ambrosienne. Exception faite de celui connu sous le nom de « De la colère », ils sont relativement courts. Le long dialogue « De la colère » est dédié à son frère Novatus qui lui avait demandé d’écrire sur la manière de modérer la colère.
Pendant son exil, il écrivit le traité « Sur la Providence » dédié à Lucilius Junior. De cette même époque date aussi le dialogue le plus savoureux et le plus rempli de détails personnels, celui qu’il écrivit à sa mère : « Consolation à Helvia  ». Le traité « De la constance du sage » écrit probablement après 47 est à placer avec le traité « Sur la providence ». De retour aux tâches du gouvernement, il rédige le dialogue « Sur la brièveté de la vie » écrit très certainement en 55. Le dialogue « La vie bienheureuse », qu’il dédia à son beau-père Paulino, est une curieuse défense de son mode de vie de philosophe stoïcien.
Pendant sa retraite politique, il écrivit un livre « Questions naturelles » dédié à Lucilius qui parle des phénomènes naturels et où l’éthique se mêle à la physique.
Écrite en prose et en vers mais en marge de ses autres œuvres comme un cas unique, il y a "l’Apocoloquintose", une satire féroce du couronnement de Claude avec critique politique et malice personnelle.
De toute l’œuvre poétique, les neuf tragédies qu’il écrivit sont le fruit d’une activité créative, indépendante qu’il exerça tout au long de sa vie mais spécialement pendant la période intermédiaire de l’éducation de Néron. Des neuf tragédies arrivées jusqu’à nous, l’une, "Hercule furieux" est d’attribution douteuse et l’autre, "Octavia" est certainement apocryphe.

LUCAIN


Lucain (en latin : Marcus Annaeus Lucanus)
Poète latin, né à Cordoue, neveu de Sénèque.

Il naquit à Cordoue le 3 novembre 39. Son père Marcus Annæus Mela était le frère de Sénèque le philosophe
Marcus Annæus Mela, à la différence de ses autres frères, décida de se charger des intérêts patrimoniaux de la famille et de ne pas accéder à l’ordre sénatorial. Il emmena son fils Lucain, âgé de huit mois, à Rome, pour qu’il y reçoive une éducation soignée qu’il complètera en Grèce.
Néron l’appela pour faire partie de son cercle d’intimes, le nomma sénateur et lui fit occuper plusieurs charges publiques.
Il devint le plus célèbre écrivain de son temps et grâce à son livre « La Pharsale  », un poème épique en dix volumes, récit de la guerre civile qui opposa Pompée à César, il atteint l’Olympe littéraire.
Plus sa popularité comme écrivain grandissait, plus Néron ressentait de jalousie envers lui.
Les relations avec le despote cessèrent quand ce dernier l’impliqua dans la conspiration de Pison et ordonna sa mort. Le poète, tout comme son oncle Sénèque, préféra se donner lui-même la mort en 65.

AVERROES

Averroès (en arabe : Ibn Rochd)
Philosophe et médecin musulman, de langue arabe né à Cordoue au XIIe siècle.
(Détail de la fresque d’Andrea di Bonaiuto, Trionfo di San Tommaso d’Aquino, Chapelle des Espagnols, Santa Maria Novella, Florence, 1365-1368.)
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Devant la muraille de la ville, dans un bel emplacement, nous découvrons une magnifique statue représentant un homme assis dans une attitude d’intense méditation, mais qui révèle en même temps, vigueur, énergie et élans contenus. Nous sommes devant le plus remarquable des écrivains arabes cordouans et le plus éminent des philosophes du monde arabe, le grand Averroès (1126-1198). Il naquit à Cordoue en 1126, l’année même de la mort de son grand-père qui fut premier Cadi [5], juge des causes civiles, Grand de Cordoue comme le devint, à ce moment-là, son père. Cette tradition fit qu’il sera plus connu comme juriste que comme philosophe par ses contemporains. Homme d’une exceptionnelle culture et d’une profonde vie intellectuelle, il fut célèbre comme médecin, astronome, jurisconsulte [6] et surtout, comme philosophe, comme nous l’avons déjà dit. En 1153, il alla au Maroc pour réaliser la réforme de l’enseignement supérieur du sultan almohade. En 1169, il fut nommé Cadi à Séville. Il retourna à Cordoue deux ans plus tard comme Cadi, mais il se rendit régulièrement à Séville et au Maroc. Nommé pour la seconde fois Cadi de Séville en 1179, il revint trois ans plus tard comme grand Cadi de Cordoue. Quelques mois auparavant, il avait remplacé Ibn Tufayl comme médecin personnel du sultan, et quand Almanzor prit le pouvoir (1184), il est toujours médecin au près du souverain. Une courte disgrâce l’exila en 1195 à Lucena. De retour en grâce auprès du roi, il s’établit à la cour du Maroc en 1198, quelques mois avant sa mort. Il y passa son temps à peaufiner la forme définitive de ses oeuvres.
Selon le professeur Gonzalez Palencia, l’influence d’Averroès dans l’histoire de la pensée européenne fut décisive. Les Juifs s’approprièrent ses Commentaires des oeuvres d’Aristote qui furent la base principale de la science hébraïque à partir du 13e siècle. L’influence " averroïste " fut plus grande encore, s’il se peut, dans la scolastique chrétienne transmettant l’oeuvre et la pensée d’Averroès au monde culturel latin, à travers l’ École de Traducteurs de Tolède.

 

MAIMONIDE (dit le "RABMAM")
               

Moïse Maïmonide (nom hébraïque : Moshe ben Maïmon)

Il naquit à Cordoue le 30 mars 1135, et venait d’une illustre famille, son père était homme de lettres et prince du quartier juif. Il reçut sa première éducation à l’école de la synagogue. Il réalisa ses études de mathématiques et de médecine en langue arabe.
Il dut abandonner l’Espagne à la suite d’un édit contre les Juifs. Après avoir voyagé dans plusieurs villes, il s’établit au Caire, où il exerça le métier de marchand de pierres précieuses.
C’est le penseur juif cordouan le plus grand, le plus universel et le plus influent en philosophie. Son oeuvre est abondante et variée, tant en langue arabe qu’en hébreu : traités de médecine, écrits théologiques et philosophiques.
Avec Maïmonide la pensée juive est à son apogée. La communauté juive le nomma nagid (chef). Il mourut au Caire, le 12 décembre 1204.

Notes

[1Qui rassemble une grande variété de tendances, qui choisit dans des catégories très diverses : Goût éclectique

[2Dans la Rome antique, les questeurs sont des magistrats romains annuels comptables des finances, responsables du règlement des dépenses et de l’encaissement des recettes publiques. Ils sont les gardiens du Trésor public.)

[3Qu’il s’agisse de ses capacités intellectuelles, physiques, sociales ou amoureuses, le ou la mégalomane se voit plus grand qu’il n’est. Cette surestimation de soi-même assez répandue devient trouble psychique lorsqu’elle se métamorphose en délire de grandeur, avec comportements incohérents.

[4 Une opinion assez générale la restreint au genre satirique, selon la définition de Boileau  : l’épigramme, plus libre en son cours plus borné, n’est souvent qu’un bon mot de deux rimes orné. Par suite de cette signification de malignité, on a donné à ce type d’épigrammes le nom d’épigrammes à la grecque.

[5Le cadi est un juge de paix et un notaire, réglant les problèmes de vie quotidienne : mariages, divorces, répudiations, successions, héritages, etc. Le mot « cadi » vient d’un verbe signifiant « juger », « décider ». Il est à l’origine de l’espagnol alcalde, en français alcade.

[6Personne qui, ayant acquis une connaissance approfondie du droit, donne des consultations en cette matière. À Rome, personne privée spécialiste du droit qui intervenait devant les magistrats pour résoudre des questions juridiques.