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Publié : 11 février 2015
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Quelle chienne de chose que la prose !

"Je suis en train de recopier, de corriger et raturer toute ma première partie de Bovary. Les yeux m’en piquent. Je voudrais d’un seul coup d’œil lire ces cent cinquante-huit pages et les saisir avec tous leurs détails dans une seule pensée.[...] Quelle chienne de chose que la prose ! Ça n’est jamais fini ; il y a toujours à refaire. Je crois pourtant qu’on peut lui donner la consistance du vers. Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore." écrivait en juillet 1852 Gustave Flaubert à sa "Muse", Louise Colet, sa maîtresse, elle-même poétesse.

Grâce aux lettres que Flaubert écrit à Louise, on peut suivre presque page à page le travail effroyable, douloureux que s’est imposé l’écrivain pendant les cinq années du chantier "Bovary".

JPEGLe comédien et conteur Jacques Masson a eu la bonne idée de lire des passages de cette abondante correspondance pour accompagner les épisodes du roman qu’il nous a dits, mardi 10 février 2015, en salle polyvalente où étaient réunis une soixantaine de lycéens, secondes, premières et terminales.

 

Les TL qui travaillent sur Madame Bovary et sa genèse sont en voie de devenir des experts du roman de Flaubert. Ils ont donc été très intéressés par la démarche de Jacques Masson et ont apprécié les extraits des lettres lus, la plume à la main, par un Gustave Flaubert réincarné.

Les élèves de 2nde et 1ère, eux, ont été plus sensibles aux passages du roman sélectionnés par le comédien pour leur faire découvrir en huit extraits la sombre histoire d’Emma, jeune fille de province, éduquée au couvent où, à quinze ans, elle lit en cachette tous les romans d’amour romantiques.

Jacques Masson a dit in extenso le chapitre que Flaubert consacre aux lectures de la jeune Emma : un tour de force !

Quand Emma épouse Charles, médiocre médecin d’une petite ville normande, la vie conjugale ne tarde pas à la décevoir ; elle s’ennuie en rêvant toujours d’amants, de clairs de lune, de pays lointains. Un bal dans un château auquel elle est invitée lui fera côtoyer pendant une nuit le monde aristocrate, luxueux auquel elle, petite bourgeoise, ne peut appartenir. Son insatisfaction devient désespoir, et ce n’est ni un déménagement, ni la naissance d’une petite fille qui peuvent la guérir. Quand Rodolphe Boulanger, un hobereau, la courtise lors de la fête des Comices agricoles, elle ne sait pas résister, et devient sa maîtresse.

Le pharmacien Homais écrit pour le journal Le Fanal de Rouen un article dithyrambique sur les Comices.
Jacques Masson a su restituer toute l’ironie de Flaubert qui se moque du style ampoulé du pharmacien.

Mais au bout de quelques mois, effrayé des excès passionnés d’Emma qui rêve de s’enfuir avec lui, Rodolphe lui écrit une hypocrite lettre de rupture. La jeune femme tombe gravement malade.

A sa convalescence, Charles, pour la distraire, l’emmène à l’opéra à Rouen. Elle y rencontre Léon, un jeune clerc de notaire, pour qui elle avait éprouvé un amour platonique. Une folle et fiévreuse liaison naît entre eux ; Emma est emportée dans une frénésie de dépenses. Sa vie n’est que mensonges et dettes ; c’est un gouffre qui l’aspire jusqu’à la catastrophe finale et le suicide par empoisonnement à l’arsenic.

Jacques Masson nous a écrit qu’il a aimé l’attitude calme et concentrée des lycéens pendant la séance.

Après le spectacle, Jacques Masson nous a confié, en réponse aux questions des élèves, qu’il avait mis quatre mois à apprendre le texte ; en ajoutant les répétitions avec le metteur en scène, son travail a duré de cinq à six mois. A La Châtre, c’était sa dix-huitième représentation. Mais il a bien d’autres textes à son répertoire (Le Horla, Une Partie de campagne, par exemple) et il a joué plus de 1500 représentations dans les établissements scolaires, les bibliothèques et les théâtres partout en France et à l’étranger.

Voir en ligne : Jacques Masson conteur