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Par : Emilie J.
Publié : 5 novembre 2014
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Paul Éluard et Max Ernst, l’amitié féconde d’un poète et d’un peintre.

Lors d’une exposition à la librairie du Sans pareil en 1921, le peintre Max Ernst étant invité et ne pouvant pas venir, envoie ses oeuvres (52 aquarelles, dessin et collages). C’est pour le poète Paul Éluard une révélation ; il est fasciné par ces oeuvres et décide alors de rendre visite à Ernst en octobre (accompagné de Gala sa compagne) à Cologne en Allemagne.

Commence alors une longue amitié, mais aussi une collaboration féconde.

Éluard prend des dessins d’Ernst pour illustrer le recueil Répétitions qu’il est en train de travailler. Ce recueil sera publié en 1922 avec 35 poèmes d’Eluard et 11 collages d’Ernst. Cette amitié sera telle qu’Ernst décidera la même année de s’installer à Paris (sans papier ni passeport) et ira vivre chez Éluard et Gala. Quelques mois après son emménagement, les deux amis écrivent alors à quatre mains, 4 textes avec des collages d’Ernst pour les illustrer ; ce recueil, intitulé Les malheurs des immortels, sera publié aussi en 1922.

Le triangle amoureux (Ernst, Gala, Éluard) est difficile à supporter pour Éluard qui part en mars 1924. Gala et Ernst vont alors le rejoindre en Asie et le ramener.
A leur retour, dans l’année 1925, les deux artistes vont de nouveau collaborer pour une œuvre en hommage à Gala : Au défaut du silence, où il y aura 18 poèmes d’Éluard et 20 portraits dessinés de Gala (non signés).

En 1936, Éluard dédie un article à Ernst dans Marianne sous le titre "Au-delà de la peinture" :

      " Vers 1919, à l’heure où l’imagination cherchait à dominer, à réduire les tristes monstres que la guerre avait fortifiés, Max Ernst résolut d’ensevelir la vieille Raison qui causa tant de désordres, tant de désastres, non sous ses propres décombres — dont elle se fait des monuments — mais sous la libre représentation d’un univers libéré.

       Il n’y a pas loin, par l’oiseau, du nuage à l’homme, il n’y a pas loin par les images, de l’homme à ce qu’il voit, de la nature des choses réelles à la nature des choses imaginées. La valeur en est égale. Matière, mouvement, besoin, désir sont inséparables. L’honneur de vivre vaut bien qu’on s’efforce de vivifier. Pense-toi fleur, fruit et coeur de l’arbre, puisqu’ils portent tes couleurs, puisqu’ils sont un des signes nécessaires de ta présence. Il ne te sera refusé de croire que tout est transmuable en tout qu’à partir du moment où tu n’en donneras pas idée.

      Une interprétation véritablement matérialiste du monde ne peut pas exclure de ce monde celui qui le constate. La mort même le concerne, lui vivant, le monde vivant.

      Je ne sais si jamais poète a été plus pénétré de ces vérités fondamentales que Max Ernst. Et c’est une première raison de regarder, d’admirer ce peintre comme un poète très haut. A travers ses collages, ses frottages, ses tableaux, s’exerce sans cesse la volonté de confondre formes, événements, couleurs, sensations, sentiments, le futile et le grave, le fugitif et le permanent, l’ancien et le nouveau, la contemplation et l’action, les hommes et les objets, le temps et la durée, l’élément et le tout, nuits, rêves et lumière. 

      Max Ernst s’est mêlé, s’est identifié à ce qu’il nous montre. En portant sa vue au-delà de cette réalité insensible à laquelle on voudrait que nous nous résignions, il nous fait entrer de plain-pied dans un monde où nous consentons à tout, où rien n’est incompréhensible."

Malgré les tensions amoureuses, leur amitié ne fera jamais défaut (d’ailleurs Ernst se remariera avec Marie-Berthe Aurenche en 1927), mais les difficultés de la vie vont les séparer. En effet, en 1939, Ernst, en tant que ressortissant allemand, sera arrêté plusieurs fois comme potentiel espion ; il s’évadera pour partir aux USA. Pendant ce temps, Éluard choisira 40 des dessins d’Ernst datant de 1931 qu’il illustrera avec 8 de ses poèmes. Ce recueil intitulé A l’intérieur de la vue sera publié en 1948.

Seule la mort d’Éluard en 1952 arrêtera cette amitié : les deux artistes n’auront pas eu l’occasion de se revoir après le départ d’Ernst aux USA ; quand il reviendra en France, ce sera un an après la mort d’Éluard (il obtiendra d’ailleurs enfin la nationalité française en 1958).

 

Voir en ligne : Paul Eluard & Max Ernst