Vous êtes ici : Accueil > Archives du Blog > Vie culturelle du Lycée > Prix George Sand de la Nouvelle > Sixième accessit ex-aequo pour Coralie Pannetier, auteur d’un texte qui marie (...)
Publié : 27 novembre 2016
Format PDF Enregistrer au format PDF

Sixième accessit ex-aequo pour Coralie Pannetier, auteur d’un texte qui marie heroic fantasy et dystopie moderne

Sixième Accessit ex-aequo, Vengeance
Coralie Pannetier, élève de 1ES au Lycée Pothier, Orléans.

J’étais seule et elle me regardait mourir à petit feu. Ce cauchemar revenait toutes les nuits depuis dix ans ;depuis que cette Adérina avait « sauvé » le peuple de Friheda ! Elle m’avait tout pris :Père, Mère et mon royaume. Nos ancêtres étaient arrivés de loin et nos dons pouvaient aider ce peuple miséreux. Le mal qui le rongeait en avait été éradiqué par les premiers membres de ma famille. Père m’avait raconté, que ce peuple nous avait remercié en nommant l’un de mes aïeuls sur le trône de Friheda. Et elle avait décidé de « délivrer » le pays de la bonté de ma famille !
Les pouvoirs qui subsistaient dans nos gènes, nous permettaient d’aider nos sujets. Mais elle avait tout gâché. Le jour de son exécution, elle avait tué Père avec une autre magie ancienne. Son fidèle Aédan avait pris la vie de Mère sous mes yeux et les siens. Mais elle n’avait rien fait ! Elle m’avait tout pris, m’avait laissé m’enfuir et laissé la vie sauve. Pourquoi faire ? Elle s’était probablement dit que sa révolte aurait un bilan moins lourd si certains restaient saufs. Elle s’en mordrait les doigts. Ma vengeance serait terrible. Je reprendrai mon royaume et les tuerai tous les deux pour les vies qu’ils m’avaient prises.
Mais à cet instant, je ne pouvais rien faire :elle avait réinstauré la démocratie, qui avait autrefois nécessité l’aide de ma famille. Il fallait que je fasse quelque chose. Ces dix années à ressasser le visage de ma mère figé de douleur et ma fuite loin de la capitale m’avaient parues tellement longues que je ne pouvais décemment plus attendre.
J’avais travaillé depuis mes six ans après la révolte de la capitale. Je ne savais rien faire en arrivant dans cette petite ville. Un aubergiste m’avait prise sous son aile et je devais avouer que, malgré son admiration pour Adérina, je le considérais un père. Je n’avais manqué de rien. Il avait endormis ma haine mais je me gardais bien de lui dire que je ne tarderais plus à tuer Adérina. Ce serait, je le pensais sincèrement, mon plus vif regret mais seule ma vengeance pourrait me soulager. Je l’aidais depuis que j’étais arrivée, je servais ses clients, et je savais qu’il se sentirait seul lorsque je partirai. Là encore je ne m’en laissais pas le choix. Je le faisais pour Père et Mère.
Je venais de lui annoncer mon départ et je voyais dans son attitude que cela le rendait triste. Qui ne l’aurait pas été ? Après tout il m’avait donné tout son amour durant dix ans et je le lui rendais en partant tuer sa déesse de la démocratie ! J’étais pressée de partir. Ma vengeance grouillait de plaisir au creux de mon ventre.
Il était tard et je servais le dernier client de ma vie. Je partais le lendemain. Mon père adoptif s’était enfermé dans la cuisine, mais en vérité je savais que c’était son refuge lorsqu’il se sentait triste. Je l’y laissais donc car je savais que s’il y était, c’était à cause de moi. Je ne voulus pas laisser la culpabilité me ronger. Je pris une grande attention à servir ma cliente, mais seulement au début.
- Pourquoi n’y a-t-il qu’une serveuse dans cette auberge ? Est-ce toi qui prépare mon repas et me le sers ? Comment fais-tu quand il y a beaucoup de monde ?
Me demanda-t-elle, d’un ton intrigué.
J’aimais plutôt servir les clients mais quand ils se montraient intrusifs, comme elle, je voulais juste les envoyer balader.
- Je ne suis pas la seule serveuse, mais on est en fin de service. C’est mon père qui fait ton repas, dans la cuisine, c’est pour ça que tu ne le vois pas.
Lui répondis-je d’un ton sec et que je voulais le moins engageant possible. J’en avais oublié de ne pas tutoyer le client comme mon père adoptif, me l’avait appris. Cette cliente m’agaçait.
- D’accord alors il doit bien rester une chambre disponible pour moi !
Le petit sourire en coin qu’elle darda sur moi, me donna envie de la gifler. Si seulement elle savait qui j’étais ! Elle ferait beaucoup moins la maligne !
- Oui, je vais voir ça.
Avais-je dit, d’un ton plutôt agressif et un peu las sur les bords.
- C’est comme ça que tu traites tes clients ? Alors je ne m’étonne pas beaucoup qu’il n’y ait personne ce soir, alors même que c’est un jour de fête. Il y a dix ans, jour pour jour, que le père d’Adérina a créé l’ordre qui a mis fin à la tyrannie du Grand Maître !
Le ton de sa voix devenait de plus en plus cynique.
- Je sais très bien quel jour on est et je te prierais de ne plus prononcer tous les mots que tu as utilisé dans ta dernière phrase. Et s’il n’y a personne ici, c’est parce qu’on est éloignés du village le plus proche de cinq kilomètres.
Je lui avais répondu sur le même ton en espérant la faire taire une bonne fois pour toutes. Je crus avoir gagné mais quand je revins avec son plat, elle me toisa avec un regard de défi.
- Il n’y a que toi dans tout le pays qui n’aime pas cette journée ! C’est tout de même un synonyme d’espoir ! Et toi tu restes là à te morfondre d’on ne sait quoi !
- Tu ne sais rien de moi alors je te prierais de garder ton jugement pour toi.
Je lui adressai un regard plein de sous-entendu et elle ne broncha plus. Je lui annonçai qu’une chambre était disponible, lui donnai la clé, et lui demandai combien de temps elle comptait rester. Elle me répondit alors qu’elle repartirait le lendemain pour la capitale. Génial ! Avais-je pensé. J’espérais ne pas la voir de mon trajet même si nous allions au même endroit.
Je n’avais pas vraiment beaucoup de chance, mais là, j’étais certaine de ne plus en avoir. J’en maudis encore Adérina intérieurement, c’était à cause d’elle. La cliente de la veille s’était empressée de faire son sac lorsqu’elle m’avait vue descendre avec ma cape sur les épaules. De plus ma destination n’avait pas pu lui échapper parce que mon père adoptif en avait beaucoup parlé. J’avais à peine commencé à avancer sur le dos de mon cheval qu’elle m’avait crié de l’attendre. Cinq minutes plus tard, elle m’avait rejointe.
Elle avait bien vu à mon expression qu’il ne fallait pas discuter avec moi. Elle parla donc seule. Écoutant bien malgré moi, j’appris qu’elle était une musicienne renommée de la capitale et son prénom :Minnéa. Elle fit un éloge sur son prénom qui voulait dire mémoire dans une autre langue et que ses parents avaient rajouté le « a » pour que cela fasse féminin ! J’en avais marre de l’entendre depuis toutes ces heures. J’ouvris la bouche pour la faire taire. Elle me regarda stupéfaite par ma mauvaise humeur habituelle je supposai. Puis elle me lança un regard de défi et sortit un violon de l’écrin qu’elle portait dans son dos.
Elle se mit à chanter. Je ne connaissais pas les chansons mais je devais avouer que cela me réchauffait le cœur. Un sourire fugace se dessina sur mon visage avant que je ne me reprenne. Il fallait que je reste concentrée et surtout pas que je me laisse adoucir par une mélodie. Je me rappelai le ton et l’amusement mauvais dont avait fait preuve Minnéa la veille. Il sembla que je n’avais pas été assez rapide car un sourire joyeux s’afficha sur son visage jusqu’à la première auberge dans laquelle nous nous arrêtâmes.
L’aubergiste m’enfonça le moral dans les chaussettes. Je détestai les sourires et il en avait un trop grand. Je me haïssais encore plus de m’être faite avoir par les airs de Minnéa. On se dégota une chambre avec lits séparés. J’étais tellement épuisée que je m’endormis sans même manger ni même me mettre dans mon lit.
Le fait de m’y réveiller le lendemain me fit grimacer. Minnéa pestais-je. Si j’avais été à peu près sociable hier, là j’allais me débarrasser d’elle ! En descendant je ne la vis pas. Elle ne devait pas être bien loin. Je n’avais pas à m’inquiéter. M’inquiéter ? Depuis quand est ce que je m’inquiétais pour quelqu’un ?
D’une humeur encore plus massacrante je me mis à manger. J’étais remontée et je m’étais employée à me dépêcher pour partir avant qu’elle ne revienne. J’étais vraiment maudite ! Elle était revenue temps pour partir avec moi. Il fallait que je me méfie :mon masque ne devait pas tomber et les premières faiblesses que je présentais me firent redoubler de prudence.
Je me positionnais toujours derrière Minnéa pour que les contes et légendes qu’elle racontait me parviennent plus étouffés. Pourtant, je sentis qu’ils m’intéressaient, mais je ne voulais pas céder à la tentation de faire de Minnéa une amie. J’aurais trop vite fait de vouloir me confier à elle. Je remarquais alors qu’elle avait remonté ses cheveux en un chignon compliqué. C’était plutôt joli. Quand Mère était encore vivante ;elle me coiffait les cheveux avec délicatesse tous les matins. Un élan de tristesse m’envahit et une larme perla au coin de mon œil. Il me sembla que Minnéa l’avait vu, mais elle ne fit aucun commentaire.
Le soir, nous prîmes une chambre comme la première. Je retravaillai ma stratégie vengeresse affalée sur mon lit, quand Minnéa ressortit de sa douche. Elle m’adressa un sourire sans que j’en sache la raison. Je me lavais lentement pour me détendre. Je m’assis sur mon lit en caressant mes cheveux mouillés tout en rêvant de vengeance. Minnéa passa derrière moi et avant que je comprenne ce qu’elle faisait, elle avait déjà ma brosse dans les mains et tortillait mes boucles brunes.
- Qu’est-ce que tu fais arrêtes ! Ça fait mal !
- C’est que je voyagerais avec une princesse !
Je fis la moue et ne bronchai plus.
- Oh ça va !
Je lui lançai un regard noir.
- D’accord, tu as gagné : je m’excuse ! J’ai bien vu que tu aimais la façon dont j’avais attaché mes cheveux alors...
Elle hésita.
- Je m’étais dit que pour te faire plaisir je pourrais te faire la même chose.
Son visage se déprima un peu. Je fus prise d’un certain remord. Il était vrai que je n’avais pas été très juste envers elle depuis qu’on se connaissait et je mourrais d’envie qu’elle me coiffe les cheveux.
- Ça va. Je n’ai rien dit, fais ce que tu veux avec mes cheveux.
Mon ton se voulait désinvolte mais lorsque je vis son sourire s’élargir, un frisson de joie me parcouru et me procura une sensation de bien-être comme je n’en avais pas eu depuis longtemps. Elle recommença à me brosser les cheveux avec plus de douceur.
- Au fait, est-ce que je pourrais savoir comment tu t’appelles ? Parce qu’on voyage ensemble mais je ne te connais pas et me dire ton prénom pourrait être un bon début !
Il était vrai qu’elle s’était imposée à moi sans présentation en bonne et due forme et que je ne lui avais rien dit de moi. Mais je pensai qu’il ne devait pas exister plusieurs Musina dans tout le pays et que les habitants devaient savoir qui je pouvais être. Comme je ne répondais pas, elle se mit à fredonner.
Elle venait de finir de nouer mes boucles rebelles dans le chignon fini quand je lâchai presque instinctivement :
- Je m’appelle Musina.
Je la vis rougir de joie et m’adresser un sourire éclatant. Elle me dit que mon chignon devrait résister à la nuit et qu’elle n’aurait pas besoin de le refaire le lendemain avant de disparaître sous ses draps. Son attitude me sidéra :elle m’avait demandé mon prénom en disant que c’était important et cela ne lui faisait finalement rien de le savoir ! Profitant du sommeil lourd de Minnéa, je m’adonnai à des exercices simples de contrôle de mon pouvoir.
En apparence il ressemblait uniquement à une fumée noire épaisse et voluptueuse mais il dégageait une énergie gigantesque pour les initiés. Je posai ma brosse sur le lit m’employai à l’enrouler autour d’elle. Il s’était passé quelque chose de bizarre après la mort de mes parents, mon pouvoir n’avait plus été le même, il avait été destructeur. J’enserrai ma brosse avec les liens de fumée pour la faire changer de couleur mais une fois encore je vis l’objet fondre. J’arrêtai immédiatement. Il ne fallait pas que la fonte du manche alerte Minnéa la prochaine fois qu’elle me brosserait les cheveux.
La prochaine fois ? Est-ce que je voulais vraiment qu’il y ait une prochaine fois ? Il ne nous restait qu’une journée ensemble et ensuite ? La reverrai-je un jour ? Si oui alors elle ferait partie de mes sujets. Voudrait-elle encore me parler tout en sachant que je l’aurais trahie ? Non. Alors pourquoi est-ce que je m’attardai encore sur ce qu’elle pourrait penser ? Je n’avais pas besoin d’elle et cela ne changerait jamais. Il fallait vraiment que je cesse de penser à elle, si cela continuait j’en raterai ma vengeance et je ne pouvais me le permettre.
Le lendemain, nous reprîmes le chemin vers la capitale. Le chignon avait tenu toute la nuit comme Minnéa l’avait dit. Quand elle avait commencé à m’accompagner j’avais caressé l’idée qu’une vie normale pouvait s’offrir à moi. Mais ma vengeance était plus forte que tout :la haine qui l’abreuvait était intarissable depuis qu’Adérina avait tué Mère. Il fallait absolument que j’arrête de croire que j’étais une fille qui pouvais s’offrir la vie qu’elle voulait.
- Musina, je sais que tu ne veux pas en parler mais voilà ce contre quoi Adérina a prémuni le reste de notre peuple.
Minnéa me montra une ferme calcinée et abandonnée. Deux cordes pendaient à un arbre et trois autres à un second. Cinq croix avaient été érigées. Je sentis mon pouvoir frissonner en approchant. Quelqu’un s’en était servi ici. Mais que c’était-il passé ?
- Qui a fait ça ?
- Tu ne devines pas ? C’est le Grand Maître qu’Adérina a détrôné il y a dix ans.
Elle lâcha ces mots qui s’écrasèrent sur mon cœur le brisant en mille morceaux. Une haine froide s’empara de moi.
- QUOI ? COMMENT ? Ose me répéter ça !
J’avais hurlé de toutes mes forces et tentais de me pas me trahir plus que je ne venais de le faire.
- Calme-toi ! Et sache que je ne te mens pas. Cette famille de fermiers était soupçonnée de trahison et de rébellion par des policiers. Ils ont été tués.
Le regard de Minnéa se fit triste.
- La... La...
Je bégayai et ne savais plus où regarder. Je me sentais mal et une douleur s’empara de mon cœur, une tristesse qui fit s’échapper de mes yeux des perles salées.
- Oui, toute la famille. Les trois enfants sont morts même si le plus jeune avait à peine six ans.
Minnéa avait continué de raconter l’histoire horrible qui s’était passée quand Père régnait.
- Je...
Mes larmes ne s’arrêtaient pas et aucun son ne réussissait à passer ma gorge étouffé par les sanglots de compassion qui m’étreignaient le cœur.
- Il les a fait pendre par les pieds et les a enroulés de son pouvoir noir et les a brûlés un par un. Les parents ont vu leurs enfants mourir sous leurs yeux. Il croyait qu’ils céderaient en le voyant torturer leurs enfants mais ils n’avaient rien à cacher.
Minnéa se tourna vers moi à la fin de son récit les yeux brillants. Je ne pouvais plus arrêter le tremblement qui parcourait mes muscles. Une douleur sourde compressait mon cœur. Père avait-il vraiment fait ça ? Cette pauvre famille avait été tuée par quelqu’un qui possédait mon pouvoir car j’en avais senti des résidus. Père me mentait-il tout le temps ? N’avais-je été élevée que dans ce but ? Et Mère était-elle au courant ? Non. Tout ceci ne pouvait être possible. Le Grand-Maître qui les avait tués ne pouvait être Père, c’était sûrement un autre !
Je ressassais encore plus ces sombres pensées et mes larmes ne cessaient de couler plus fort. Je sentis une étreinte puissante autour de mon corps sanglotant. Minnéa m’entourait de ses bras. Je ne savais pas quand elle était montée sur mon cheval ni depuis quand nous ne faisions plus face à la ferme brûlée. Elle tenait les rênes de son cheval d’une main et de l’autre elle conduisait le cheval sur lequel nous étions juchées. Elle chantonnait des paroles douces contre mon oreille. Mes sanglots finirent par s’éteindre lentement et épuisée je sombrai dans un sommeil cauchemardesque m’appuyant contre son étreinte rassurante.
Quand je me réveillai, nous étions dans la capitale. J’aperçus Minnéa du coin de l’œil. Elle me regarda avec un sourire que je jugeai un peu masculin. Après tout je sortais des voiles du sommeil et je n’avais sûrement pas bien vu, mais j’avais comme l’impression qu’elle me cachait quelque chose. Cela avait été étrange de me laisser aller aussi facilement dans ses bras qui semblaient d’ailleurs plus musclés que ce que j’aurais pu croire. C’était peut-être dû au violon ? Je descendis du cheval.
Elle m’apporta à manger. Je la remerciai en rougissant de honte :je m’en voulais de m’être laissée aller alors que je n’avais pas pleuré depuis dix ans. J’eus un pincement au cœur quand je compris que nous allions nous séparer et qu’il y avait de grandes chances pour qu’on se voit plus.
Mais je devais penser à ma précieuse vengeance ! Je sentais frémir mon pouvoir au creux de mon ventre. J’avais déjà organisé une réunion avec d’anciens contacts de Père.
Minnéa s’en alla bientôt en me disant qu’elle devait retrouver Adérina et Aédan pour mettre au point son concert. Je fis une chose qui me surpris peut-être autant que Minnéa. Je me blottis dans ses bras. Elle me glissa au coin de l’oreille que si j’avais besoin d’elle, elle volerait volontiers à mon secours. Je rougis en la voyant partir.
Je repensai à la ferme calcinée qui avait éveillé tant d’effroi en moi. Avec ce que j’y avais vu, je commençais à douter de le véracité des paroles de Père. Peut-être étaient-ils vraiment des tueurs mais comment auraient-ils pu être si doux avec moi ? Non vraiment Père et Mère ne pouvaient être les gens décrits par Minnéa. Il fallait que je me sorte ça de la tête !
J’entrai dans le lieu de rendez-vous où m’attendaient, je l’espérais, la plupart des partisans de Père. C’était une petite auberge :la couverture était parfaite, nul n’aurait pu se douter qu’un assassinat s’y préparait. Il y avait peu d’hommes. Une fois mon discours achevé, personne n’avait l’air décidé à me suivre.
On m’appris qu’Adérina leur avait offert une seconde chance après avoir été en prison. On m’avoua aussi qu’ils n’avaient jamais vraiment voulu faire partie de l’armée de Père. J’appris avec stupeur que Père menaçait des enfants et des femmes innocentes pour les y obliger. Ils refusèrent tout plan visant à tuer Adérina. Ils avaient une vie paisible et je ne voulais pas les obliger comme Père. La douleur que j’avais revint d’un coup et je m’enfuis.
J’étais seule mais Adérina ne s’en sortirait pas comme ça ! Je me précipitais vers une entrée secrète. Une voix me parvint, à demi-étouffée elle me rappela Minnéa. Retournant la tête, je vis que le garçon qui me suivait lui ressemblait. Il avait les mêmes cheveux blond-cuivrés qu’elle jusqu’au milieu de son dos, lui aussi, et ses yeux étaient d’un vert aussi pur que les siens. Je me sentis mal. Il se mit à me suivre.
Il m’attrapa la main et tenta de m’arrêter mais je me dégageai. Il y avait quelque chose en lui que je reconnaissais mais que je ne voulais pas voir.
- Eh !
Je ne répondis pas. Allait-il me laisser tranquille ?
- Musina ! Attends ! Qu’est ce que tu fais ?!
Comment connaissait-il mon prénom ? Je fis abstraction de sa présence et continuai vers le château.
Mon pouvoir frémissait :de petites volutes sortaient déjà de l’extrémité de mes doigts. Le passage était toujours là ! La chance était enfin avec moi ! Tout était presque fini.
J’ouvris la porte et fit sursauter Adérina et Aédan. Il fut le premier à me reconnaître.
- La fille du Grand-Maître !
Sa voix ne tremblait pas, mais il ne s’attendait pas à me voir.
- Nous t’avons cherchée depuis si longtemps !
Adérina semblait heureuse de m’avoir retrouvée, comme si sa pitié allait pouvoir l’aider !
- Parce que vous avez jugé bon de tuer Mère devant moi ! Vous hantez mes cauchemars depuis dix ans !
Finis-je sur un ton sarcastique et formant un rictus qui avait du être le même que Père autrefois.
- Alors acceptes-tu que nous t’aidions ?
- Que vous m’aidiez ? À quoi s’il vous plaît ? Vous avez détruit mon enfance et m’avez retiré mon innocence et ma famille ! En quoi pourriez-vous m’aider ?
J’étais de plus en plus furieuse, mon pouvoir se déchaînait en moi et d’épaisses fumées sortaient de mes mains. Ils eurent un mouvement de recul.
- Je... On pourrait trouver une solution tous ensemble.
Dit Adérina d’une voix brisée.
- Non ! J’ai déjà ma solution ! Vous tuer et reprendre ma place !
Je hurlai et mon pouvoir formait un halo noir autour de moi.
- Et tu deviendrais comme ton père Musina.
Cette voix avait surgit de nulle part et je fus sûre cette fois que c’était Minnéa. Je fis volte-face et vit le garçon. Un déclic se fit dans mon esprit.
- Ne t’en mêle pas, ça ne te regarde pas ! Je ne t’épargnerai pas !
- Alors tue-moi !
J’avais cru pouvoir l’effrayer mais ça n’avait pas marché. Je tentai le tout pour le tout et envoyai mon pouvoir vers les deux autres figés d’effroi. Je le vis arriver trop tard pour faire quelque chose. Il prit mon pouvoir dans le torse et s’effondra en hurlant de douleur.
Ma haine disparu et mon pouvoir s’éteignit. Je me jetai à son cou en le suppliant de rester avec moi, j’avais compris que Minnéa et lui ne faisaient qu’un. Un sourire apparut sur son visage et il dit d’une voix douce :Tu n’as toujours pas compris, hein ?
Un conte qu’il m’avait raconté pendant le voyage me revint :Un cœur mû par la haine est source de destruction alors qu’un cœur porté par l’amour est source de régénération.
Je me concentrai sur des moments heureux :ceux avec Minnéa. Une fumée blanche enveloppa le corps de Minnéa. Pendant que mon pouvoir faisait son œuvre, des larmes coulèrent sur mon visage.
Celui de Minnéa reprenait des couleurs et un immense sourire s’y élargissait. Il fut si contagieux que mes larmes se transformèrent en éclats de rire. Je ne savais pas si Minnéa était il ou elle mais elle m’avait redonné l’espoir d’une vie normale. Et je ne l’aurai perdu pour rien au monde car il était évocateur d’une vie meilleure !
Une fois rétablie, Minnéa m’enlaça et me glissa :
Ravi de te rencontrer Musina ! Je suis Minnéo.