Lycée George-Sand La Châtre

Cinquième Accessit, Jinheulg Geim
Lucie CACOT, élève de seconde au lycée Alain Fournier de Bourges,

Être étalée sur la banquette du salon avec un gros bol de nouilles chinoises devant Orange is the new black . Ça, c’est mon moment du mercredi midi à moi. Et évidemment, ce qui doit arriver, arrive. Ma mère. Elle déboule dans le salon, en tendant un sac en plastique, contenant une bento box pleine à craquer. Je soupire d’un mouvement de bouche écœuré. Je n’ai pas eu besoin d’explication de sa part. Mon idiote de frangine. Je me suis levée à contre-coeur, chausser des bottines. Je dévale les escaliers de l’immeuble et trottine jusqu’au lycée de Jade qui n’est pas loin.
L’air frais de février fouette mon visage. Soudain je suis prise d’un mal de tête énorme. Un goût amer et écoeurant envahit ma bouche. J’entends un bruit assourdissant et comme un crash. Ma vue se brouille quelques secondes, je titube et manque de tomber. Je me rattrape de justesse à un mur et tente de respirer. Je me calme au bout de quelques minutes, sûrement une baisse de tension. Ca ne m’était pas arrivé depuis longtemps, c’est vraiment étrange. Mes sens reviennent peu à peu mais je suis toujours sous le choc. Quelques pas après, j’entends au loin le son d’une ambulance. Ce son strident de l’alarme. Ce son qui me met mal à laise. Ce son qui avait emporté mon papa. Ce son qui résonne. Ce son qui résonne toujours. Ce son qui vole les corps. Non. Pas ce son. J’accélère le pas. Je m’enfuis à toute vitesse à travers les rues sombres de la ville.
On habitait un appartement dans un petit quartier de Seattle. Ma sœur avait dix-sept années d’expérience de la vie derrière elle. Ma mère, une année de fac. Gâchée ? Mon père, porté disparu depuis dix ans, kidnappé par un cancer. Je n’avais jamais été étudier dans une école publique, mon père voulait soit disant profiter de moi, alors j’avais un précepteur en ligne. J’étais insociable et inconfiante. J’aimais m’habiller court et toujours en rose. Ça me permettait de camoufler mon mal de vivre.
Une dizaine de garçons fumaient devant le portail. Certains sifflaient, et la plupart me suivaient du regard. Ah ! Ce que j’aimais ça ! Encore quelques pas et j’entrai dans la vie scolaire. Deux femmes à peine âgées de 20 ans s’esclaffaient derrière le comptoir. Je raclai ma gorge, leur montrant qu’elles n’étaient plus seules. Elles relevèrent la tête, énervées et me dévisagèrent quelques secondes, ainsi que mon sac plastique à la main.
-Savez-vous dans quelle salle se trouve Jade Terres ? »
L’une d’elles se retint de rire tandis que l’autre regarda l’horloge en souriant. La première leva les yeux au ciel et regarda l’écran d’ordinateur à sa gauche, tapant le nom que je lui avais donné quelques secondes avant. Puis, elle fronça les sourcils et me regarda confuse.
-Il n’y a pas de Jade Terres ici.
-Qu’est-ce que vous...
Je fus coupée par la sonnerie. Après son intervention, la deuxième femme m’interpella.
-Tu as dû te tromper de lycée.
Je les remerciai rapidement et sortais. Des centaines de lycéens s’activaient dans le hall et je soupirais. Si je croise Jade, je retourne voir les deux nanas pour arracher leurs cheveux ! Tandis que je scrutais rapidement les élèves de mes yeux cristal, l’un d’eux me bouscula et il s’excusa en m’étudiant rapidement puis s’apprêtait à repartir, mais s’arrêta.
-Ashley ?
Je repris mon équilibre sur mes minis talons en entendant mon prénom et examinai le grand brun planté comme un piquet devant moi.
-Tiens Cameron Dallas ! souris-je en faisant la bise à l’ex-petit ami de ma sœur.
-Que fais-tu là ?
Je regardai autour de moi cherchant toujours mon pâté de sœur.
-Jade a oublié son déjeuner, et ma mère m’a chargé de lui apporter... dis-je en désignant le sac blanc d’un air dégoûté.
Il répondit d’un magnifique sourire, j’ai toujours eu un penchant pour lui. Mais secret ! Son regard se perdit quelques secondes, en voyant peut-être Jade à travers moi. Pas facile d’oublier son ex à ce que je vois. Raah chiotte.
-Oh, tu sais, je ne l’ai pas revu depuis que Harry me l’a enlevé.
-Attends, quoi !? 
*
J’avais laissé le sac de bouffe à un homme, probablement un SDF, devant l’immeuble. Ensuite je balançai mes bottines sur le côté de ma chambre. Le rose de la pièce réveilla mes yeux et je m’allongeai sur mon lit. Les faits de Dallas m’avaient noué une boule d’inquiétude dans le ventre. Et pourtant, de Jade, je m’en fichais. Mais là, c’était presque suspect. Harry l’avait complètement changée.
Jade se pointa vers 19 heures 30, avec encore comme excuse d’être restée chez Perrie pour réviser. Ma mère et moi étions déjà à table. Maman me fit signe d’aller chercher son couvert et de la servir pendant que mademoiselle allait se changer. Faisant claquer mes talons hauts sur le carrelage froid de la cuisine, je m’exécutai. Puis Jade réapparut en jogging large et en débardeur, je la dévisageais un instant et laissais tomber l’assiette de purée devant ma sœur. Elle attrapa sa fourchette et me regarda sombrement.
-Quoi ? Ma tenue de "beauf" ne convient pas à m’selle ?
-C’est ta gueule qui ne me convient pas. Tu... commençai-je en levant le nez.
Ma mère me coupa, frappant la table. Je baissai les yeux, et Jade la regarda comme si rien ne s’était passé.
-Le professeur d’anglais a été remplacé, dit-elle en triturant son plat.
Je levai les yeux au ciel en claquant ma langue sur mon palais. Il fallait toujours qu’elle fasse la fille modèle. Jade sourit en voyant mon air désespéré et raconta son cours de philosophie et d’histoire. Je mis la fin de ma purée dans une boite pour le frigo. Ce que Cameron m’avait dit m’avait vraiment coupé tout appétit. Je fixai toujours Jade du coin de l’œil en commençant ma vaisselle. Quelques minutes après, elle prit ma place près de l’évier. Maman avait quitté la table depuis un petit moment pour s’affaler devant la télévision.
Puis Jade me fit un signe de tête pour aller causer plus loin. Je l’ignorai, traînant mes talons jusqu’à ma chambre rose. Fermai la porte et m’assis sur mon lit en laissant tomber mon visage dans mes mains. Quelqu’un toqua, mais je n’avais aucune envie de bouger mes fesses pour lui ouvrir. La poignée tourna et la chevelure brune de Jade entra en prenant soin de refermer derrière elle.
-Ash ?
J’enlevai mes talons silencieusement sans la regarder, puis contemplai une photo de mon père sur la commode, face à nous. Je sentais les yeux de ma sœur sur la même cible que la mienne.
-Il t’arrive quoi ce soir ?
J’expirai profondément, réfléchissant à mes prochaines phrases.
-Où étais-tu ce matin, Jade ? demandai-je calmement en la fixant soudainement.
-Et bien au lycée, pourquoi ? fit-elle d’un rire sans joie en tournant l’œil droit.
Elle mentait. Papa faisait ça aussi. Elle fronça les sourcils devant mon regard insistant.
-T’es du FBI maintenant ou c’est comment ? soupira-t-elle avec un geste de la main.
Je ramenai mes cheveux blonds en arrière en claquant ma langue sur mon palais, et replongeai mes yeux dans les siens.
-J’ai parlé avec Cameron aujourd’hui.
Jade se raidit et devint écarlate.
-Il ne t’a jamais revu depuis tes vacances avec Harry, enchaînais-je rapidement. Ah et le plus louche ! Le nom de Jade Terres ne figure nul part sur la liste des étudiants de ton soi-disant lycée.
Soudain, elle se leva, je continuais de la fixer tandis qu’elle se dirigeait vers la porte.
-Ton Harry aussi a arrêté les études ? questionnais-je prudemment.
Puis Jade est arrivée à une grande vitesse devant moi et m’a pris par la gorge. J’écarquillai les yeux. Un filet de bave a coulé de long de sa bouche. Elle m’a lâché, s’est redressée et a passé son avant-bras sur ses lèvres.
-C’est bien parce que tu es ma frangine, Ashley, cracha-t-elle à mes pieds.
Elle refit demi-tour jusqu’à la sortie.
-Et ne parle plus jamais de Dallas, t’as compris ?! cria-t-elle d’une voix presque apeurée.

Jade me laissa en claquant la porte. Mes coudes en arrière, qui me soutenaient, ont lâché et je suis resté allongée. Je n’avais pas tellement compris, et je n’avais aucune envie d’y réfléchir maintenant.

*
Je sortis de l’appartement quelques secondes après Jade. Je n’avais pas pu résister à mettre mes bottes roses à talons pour accompagner ma jupe et mon tee-shirt, et je faisais mon possible pour ne pas claquer mes talons sur les pavés. Le vent des ruelles faisait flotter mes boucles blondes et la boule au ventre, j’avançais prudemment. J’avais la gorge pâteuse et froid aux jambes avec cette bise. Je me cachai derrière une poubelle tandis que Jade regardait autour d’elle en ouvrant une porte avant de s’engouffrer dedans. Je me relevais avant que l’odeur de la grosse boîte verte ne s’attaque à mes vêtements, lissai ma jupe et m’approchai de la porte en bois.
J’attrapai la poignée et refermai directement derrière moi. Je me retournai en écarquillant les yeux. Un paysage immonde. Un ciel jaune-gris, un énorme terrain vague. J’avançai doucement alors que mes talons s’enfonçaient peu à peu dans la terre humide et je grimaçai. Je levai les yeux et je restai bloquée, un bateau gigantesque était planté là, un bus avait l’air d’être encastré dedans, à côté de ce terrain vague rempli de boue sur laquelle se lisaient des traces de bagarres. J’accélérai le pas et me stoppai devant la porte ouverte. Je pris une forte inspiration et montai les marches à quatre pattes. Une immense pièce très peu éclairée s’offrit à mes yeux. Je retins mon souffle et gardai ma tête protégée d’une marche. Jade était là, avec Harry, et plein d’autres adolescents. Perrie et Leigh, les meilleures amies de Jade, deux garçons du même âge qu’Harry, un métisse torse-nu parsemé de tatouages et un brun aux cheveux volants et mécheux ainsi qu’une fille de mon âge qui ressemblait beaucoup à Perrie.
Ils étaient tous regroupés debout en cercle au centre de la pièce. Leurs mains ont commencé un mouvement étrange. Soudain, leurs épaules se sont élargies, comme si tout leur corps avait gonflé. Une fourrure abondante et brillante a recouvert leur corps, maintenant énorme. Mon cœur battait à 200 km/heure à cette vue. La tension était palpable. J’étais terrorisée. Je recommençai à respirer quand les oreilles poilues d’Harry se dressèrent. Il renifla en l’air, le métisse fit de même. Le pelage platine de Perrie se tourna vers ma direction.
-Ashley ? Quelle surprise ! dit elle en dévoilant d’un sourire ses dents immaculées et aiguisées.
J’avais envie de filer me cacher dans mon beau dressing rose, en sécurité. J’entendis Jade soupirer.
-Ash, on sait que t’es là. Ramène ton jupon flashy.
Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Ma respiration restait irrégulière. Ils redevinrent humains d’un geste de main d’Harry. Je me donnai une baffe en m’accrochant au mur, et fermai les paupières. Jade courut vers moi et me soutint le bras. Je secouais la tête. Non non non, je rêvais, ouais, je rêvais. Puis une voix rauque et énervée me fit ouvrir les yeux.
-Il faut la tuer. Elle ne gardera jamais le secret ! gueula le métisse tatoué.
Le visage de ma sœur se transforma un peu. Yeux rouges, dents pointues et oreilles hérissées. Sa main se resserra sur mon bras et il commença à devenir violet. Paniquée, j’essayais de me dégager en vain.
-Ferme ta gueule Zayn !
Perrie fronça les sourcils et ce fameux Zayn cracha une salive écœurante sur le sol froid. Je gémissais sous l’emprise de Jade et Abigail me dévisagea.
-Tuer Terres junior ne fera qu’éveiller les soupçons dans Seattle, dit soudain Harry. Faisons comme pour Aby.
Quoi ? Ma sœur n’a pas attendu que tout le monde se manifeste pour se transformer et planter ses crocs dans ma gorge. J’ai crié. Je sentais le venin, qu’elle venait de m’injecter, couler dans mes veines maintenant couleur ambre. Je regardais avec peur mes jambes et mes bras quand la couleur se propagea jusqu’à mon visage. Je me laissais tomber à terre, hurlant de douleur. Un sourire satisfait se lisait sur les lèvres de Jade tendis que j’enchaînais cris et braillements. Je fermai les yeux, laissant la salive de ma sœur m’attaquer lentement.
*
J’ouvris les yeux difficilement. J’analysai mon état : normal, et mon corps, assis sur un banc. Des cris stridents me brûlèrent les oreilles. A mon grand soulagement j’étais toujours dans le terrain vague. Le ciel avait pris des teintes rouges et les silouettes des immeubles se découpaient commes des ombres chinoises sur ce fond uniforme. Le brun aux cheveux volants et mécheux était placé à l’extrémité du banc de pierre. Une femme plus âgée que ma sœur et un autre homme lançaient des conseils à Harry et aux autres. Ils étaient sur le terrain boueux, transformés et séparés en deux groupes comme si un match se jouait. Ce n’était donc pas un cauchemar...
-T’aurais jamais dû venir ici.
Je tournais la tête et le garçon d’à côté fixait le groupe en soupirant. Il fit un geste en l’air et Jade arriva en vitesse grand V.
-Pas de n’importe quoi Louis, dit ma sœur quand le brun partit en courant comme un fou avant que son corps ne devienne Loup. Jesy, Liam ! Je vais continuer pour vous.
Ils hochèrent la tête et s’éloignèrent vers le bateau. Jade me regarda enfin et posa une main sur sa hanche avant de se tourner vers les joueurs.
-Bien dormi, belle aux bois dormant ?
-Qu’est-ce que c’est que ce bordel, Jade ?!
Je la vis sourire et je secouai la tête.
-Bienvenue chez les Jinheulg Geim, petite sœur.
Leur nom de meute ?
-Jade ?
-Zayn, arrête de jouer solo ! Tu veux te faire buter ou quoi ?! Quoi Ashley ?
-Pourquoi je suis là ? Et c’est quoi cette histoire ? Les Loups com...
Elle soupira fortement et je m’arrêtai. J’te dérange ? Fallait réfléchir avant de me foutre tes canines dans la nuque !
-Ok les gars ! Pause !
Je ramenai mes genoux contre ma poitrine. Dans quel enfer étais-je tombée ? Elle vint à côté de moi.
-J’aimerais répondre à tes questions Ash. Je peux juste te dire que c’est Harry qui m’a mordu.
-Que...
-Abigail t’expliquera le fonctionnement des Loading Spaces.
Jesy et Liam revinrent après leur petite éclipse. Jade tapa ses cuisses et se releva avant de commencer à partir vers les autres. Je ramenai une mèche derrière mon oreille en me mordant la lèvre et je me levai aussi.
-Frangine, excuse-moi.
Elle se figea.
-Ça nous fait un joueur en plus, lança Jade.
Puis elle s’éloigna encore avant de se transformer. Louis revint s’asseoir et ricana doucement dans mon dos. J’essayai le mouvement qu’ils avaient fait plus tôt pour se métamorphoser tandis que le brun mécheux se foutait de moi derrière mon dos. Je me retournai, le giflai. Il se leva d’un bon et Abigail arriva en l’éjectant contre son foutu banc. Je la regardai, reconnaissante et m’aperçus ensuite que tout le groupe rigolait sur le terrain.
-Y a quoi de drôle en fait ? dis-je avec une grimace.
Aby ne répondit pas et sans me regarder, elle attrapa ma main droite et je hurlai précipitamment. J’essayais de me dégager de son emprise.
-Ne bouge pas, j’accélère l’effet du venin.
Mes veines changèrent de couleur et je serrais des dents.
-Ce doigt-là, commença Aby en désignant mon index, tu fais avant, arrière, rond. Essaie.
Je hochais la tête en m’exécutant. Louis continuait de se marrer, mais je l’ignorais. Malgré un bon nombre d’essais, rien ne se passait. Je commençais presque à désespérer quand soudain mon corps sauta machinalement en l’air et je retombais en Loup. De multiples odeurs nouvelles attaquaient mes narines. Je me sentais plus grande, plus forte, bien gainée sur mes quatre pattes. Mon pelage était roux-blond comme les feuilles en automne. Mes oreilles étaient couleur crème et mon ventre était couvert de petites tâches foncées. Aby s’est transformée aussi et on est allé vers les autres. Zayn se roulait par terre avec un rire de hyène. Vexée, je n’ai pas relevé.
-Aller, on reprend. Louis, Leigh, Harry, Perrie, Zayn, sur le terrain !
Le groupe a obéi à Jade.
-Abigaïl, tu t’occupes d’Ashley ? Entraîne-la à courir et explique lui tout ce qu’elle a à savoir.
Elle a fait oui de la tête et elle s’est mise à courir au tour du stade, je n’avais pas d’autres options que de courir à côté d’elle.
-T’es la sœur de Perrie ?
-C’est ça.
-Alors, c’est quoi "Loading Spaces", ça a l’air super important ?
-En fait, c’est assez simple. Pour l’entraînement, on utilise un ballon dur, mais durant les matchs, c’est une autre sorte de ballon, un peu comme un symbole si tu veux. Le but du match, c’est de mettre le ballon dans les cages de l’équipe adverse, un peu comme au foot, sauf que là celui qui a le BSI...
-BSI ? l’avais-je coupé.
-Ballon Symbole d’Immortalité. Celui qui a le BSI est visé par toute l’autre équipe, tu dois toujours passer le BSI à ton coéquipier le plus proche, tu ne peux pas jouer solo, c’est impossible. On doit se passer le ballon et se battre avec les autres joueurs en même temps. À tout moment, la plus petite erreur, un regard de côté et ça peut t’être fatal.
Je m’arrêtais de courir pour reprendre ma respiration.
-Se faire tuer sur un terrain où tu n’as pas envie d’être et se battre contre des gens que tu ne connais même pas et qui ne t’ont rien fait...
-Tu as tout compris Ash.
-Et pourquoi s’entraîner ? Au pire, on n’est pas obligé de les faire ces Jeux.
Ça paraissait simple.
-Le problème est que si. Au centre de tout, il y a monsieur D, il décide de toutes les règles. L’équipe qui à le BSI est la meute la plus puissante et le garde jusqu’à son prochain « petit match » qui à lieu une fois par mois. C’est monsieur D qui décide de la date où deux équipes s’affrontent pour se disputer le BSI. Une équipe est choisie de manière aléatoire pour défier l’équipe gagnante du mois dernier. Au bout d’un certain temps, monsieur D décide d’organiser un match terminal. De nouveau, une équipe aléatoire contre la gagnante du mois dernier. Mais ce match est décisif. L’équipe perdante ainsi que toutes les autres non sélectionnées meurent. Les gagnants obtiennent le BSI, qui leur offre une immortalité d’un an. Après ces douze mois de liberté, chacun de leur côté, ils vont créer de nouvelles meutes pour les prochains Loading Spaces. Le véritable problème c’est qu’une fois que l’ancienne meute gagnante en a créé d’autres, ils redeviennent mortels et recommencent les Jeux... C’est une chaîne qui ne se termine jamais.
J’hochais la tête, tentant de tout relier. La tirade d’Aby n’était pas très claire, mais j’avais compris l’essentiel. On est retourné au banc et j’ai observé l’équipe jouer, quelques instants. Je me suis laissé tomber en m’asseyant par terre en humaine.
Une alarme sonna. Abigaïl se pétrifia, ses griffes étaient énormes et ses veines bleues ressortaient de ses poils platine. Tout le monde avait une expression paniquée, mais personne n’avait bougé. Quand la sonnerie s’arrêta, Jade m’appela tandis que tous les autres partaient à l’intérieur du bateau.
-Je suis vraiment désolée, Ash, lâcha ma sœur.
Je fronçai les sourcils, j’avais besoin d’explications. J’entendais Aby pleurer au loin.
-C’est le match terminal, disait-elle en posant ses gros coussinets sur mon épaules.
Mes poils réapparurent.
-Quoi !? Mais je n’ai encore jamais joué ! En plus c’est pas nous qui avons le BSI ! On est déjà mort c’est ça !?
-Ne dis pas n’importe quoi. Fais juste semblant de jouer. N’attaque aucun adversaire. N’en approche pas. Reste loin du BSI. Ne le touche pas. Mais protège-le quand même. 
Je soupirai en courant derrière les autres. Le sol était froid, l’escalier presque glissant et un couloir qui avait l’air interminable. J’avais peur et mal à la tête. Le bruit de nos pattes raisonnait. La lumière vert fluo du ciel m’éblouit. Elle avait changé en quelques minutes. Nous étions ressorti du bateau. Un nouveau terrain. Énorme. Grand. On aurait dit de la boue lissée avec une dameuse. De l’autre côté du terrain, neuf Loups, notre équipe adverse, sortait également de son couloir.
-Regarde là-haut, me chuchota Aby.
Monsieur D. Il était debout, le visage dans l’ombre, derrière la vitre d’une tour assez haute. Il avait une longue veste bleue foncée et un chapeau noir.
-Bonjour Jinheulg Geim et Olola. Bienvenus dans les Loading Spaces !
Sa voix claire, presque un peu rauque et vaguement familière sortie d’haut-parleurs.
-Dinha, allez déposer le BSI au milieu du terrain s’il vous plaît.
La louve, des Olola, au pelage châtain, s’exécuta. Puis on se plaça chacun à sa place. Du moins, la mienne était un peu incertaine.
-Vous connaissez les règles, pas d’écart, aucun recul. Le match dure trente minutes. Bonne chance à vous. Que les meilleurs soient immortels.
Ils s’élancèrent tous en même temps sur le ballon. Mes poils se hérissaient mais j’avançais derrière eux en me faisant toute petite. Longeant presque les bords du stade. Le nombre de joueur étaient inégal mais ça ne dérangeait personne. Lana et deux autres Loups des Olola formaient un triangle et se lançaient le BSI tandis que leurs coéquipiers narguaient et menaient la vie dure à mon équipe. Je me joignais à eux malgré l’interdiction de Jade. Vu que personne n’avait eu l’air de m’apercevoir sur le terrain, je me glissais entre deux des joueurs en triangle et interceptais le ballon d’un coup de patte, il atterrit vers Aby qui le relança aussitôt à Louis puis à Leigh. J’entendais ma sœur râler, mais au moins on avait récupéré le BSI ! Celui-ci était dans la gueule de Zayn qui retraversait le stade jusqu’aux cages adverses. Les Olola se jetèrent dessus. Je retenais mon souffle, Aby s’arrêta près de moi. Je vis Harry et Louis défendre Zayn.
-T’aura pas le ballon toi sale rousse !
On eut à peine le temps de réaliser, que Lana me mit à terre. Aby la fit rouler sur le côté et Louis vint entre les deux. Perrie hurlait sur Zayn pour son imprudence d’il y a quelque minutes. J’allais vers nos cages pour les défendre un minimum.
-Ashley !
La voix de Leigh me prit de surprise et j’attrapais le BSI dans ma bouche. Merde. Deux Loups m’approchaient, menaçant. La fuite ? Personne à porte de main de toute façon. Je semais ces deux là et me faisais courser par un autre. J’atteignis l’autre bout du terrain.
-Ash, tire bon dieu !
Je restais paralysée devant les cages. Je ne veux pas. Je ne peux pas ! L’un d’eux se jeta sur moi. Prise de surprise, je donnais des coups de dent dans le vent froid. La boue se colla jusqu’à ma peau et me gela un peu plus, mélangeant mes poils. Tiens Ashley, tiens. J’ai le ballon en main, mais je suis perdue. J’ai lançé un dernier regard à la tour avant de fermer les yeux, gardant le BSI protégé contre mon ventre.
-Ash !
La voix d’Aby résonnait dans ma tête tendis que les griffures de l’équipe adverse me fragilisaient. Je ne pouvais pas bouger. Je sentais mon corps rapetisser tout doucement. Non pas maintenant, pas tout de suite ! Aller Ashley. Avant, arrière, rond ; avant, arrière, rond. Aller ! Mon doigt exécutait lentement le mouvement, mais rien ne se passait. Je hurlais maintenant que leur mâchoire touchait ma peau transpirante et à vif.
-Stop vous allez la tuer ! Putain mais arrêtez !
Jade ? Mon corps était à présent minuscule sous leurs longs poils dégoulinant de sueur. Puis plus rien. Le noir plus profond que les yeux fermés.

*

Des voix, des pleurs. Rien de distinct. Suivi d’une lumière aveuglante. Je frotte mes yeux.
-Ashley ! Comme j’ai eu peur ! Tu te sens bien, ça va ?
Ma sœur me relève rapidement, me serrant contre elle, son étreinte m’étouffe presque.
-Jade, elle est bleue, rit Harry.
-Oups ! dit-elle en me relâchant et en souriant nerveusement.
Je suis dans un lit d’hôpital. Ma mère, avance à pas lents en ma direction, les bras tendus avec une expression apeurée et surprise. Elle pose ma tête contre son cœur, caressant mes cheveux. Elle répète "Ma chérie" et "Ma petite fille" au moins vingt fois, lentement. Lorsqu’elle met fin au câlin, je regarde Jade, confuse.
-Qu’est-ce qui s’est passé !? On a gagné !?
Harry la regarde et aucun n’a l’air de comprendre.
-Où sont Perrie et Zayn !? Est-que Aby va bien ?! Pourquoi les Olola m’ont laissé m’en tirer !?
Ma mère s’assoit à côté de moi.
-Tu as eu un accident, une moto t’a renversé sur le trottoir. Tu es restée dans le coma quatre jours.
Alors tout ça, c’était un rêve ? Non, il y a une erreur. Je sens presque les larmes monter. J’ai finalement articulé quelque chose.
-Qui était le motard ?
Harry tousse, ma mère baisse les yeux et Jade essuie une larme. J’ai besoin de comprendre. Tout est flou et personne ne m’explique. Je veux me lever et retourner finir ce match. Et surtout, aller rencontrer ce monsieur D. 
-C’était Dallas, finit par dire Jade en cachant ses pleurs.
-Cameron... est mort ? ai-je conclu quelques secondes après.
Non. Cameron n’est pas mort. Il était derrière la vitre, en haut de la tour. Avec sa veste bleue et son chapeau noir. Celui qu’Aby disait comme "au centre de tout". Dallas est vivant. C’est la dernière chose dont je me rappelle. Merde non, pas lui... Pas Cameron... Tout, mais pas lui. Je hais ma sœur pour deux raisons. J’envie sa sociabilité. Et son petit copain qui était si mignon et qu’elle avait lâché comme un moins que rien. Je sors rarement, et la seule chose que j’espère, est toujours de croiser Dallas. Putain, c’est trop bête. On ne peut pas me l’enlever comme ça.
-Nous ne savons pas, commence ma mère. Lorsque tu seras sur pied, j’irais demandé à un infirmier.
-Non. C’est maintenant que j’ai besoin de savoir.
Elle soupire en se levant et en regardant Jade. Celle-ci hoche la tête et sort. Harry approche à son tour.
-Tu as pris un sacré coup, Ash. Comment tu te sens ?
Tellement d’hypocrisie dans ces mots. La seule raison pour laquelle je l’apprécie un minimum, c’est parce qu’il m’a laissé le champ libre pour Cameron. Malgré que je sois restée dans mon coin. Puis Jade rentre dans la chambre. Accompagné d’un grand sourire. Harry retire la couverture qui me recouvre et je descends du lit. Les cheveux brun de Dallas dépassent de la vitre sur la porte. Les larmes débordent de mes yeux et il s’infiltre aussitôt dans la pièce. Je vais jusqu’à ses bras, du plus vite que je peux avec mes jambes faibles.
-J’aimerais que tu ne relâches jamais cette étreinte, je souffle contre son torse.
-Et si je veux t’apprendre à jouer au ballon, comment je fais !? demande-t-il avec un clin d’œil.