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Publié : 27 novembre 2016
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Le jury décerne le premier prix LEP à Inès Kirich, du lycée Jean Mermoz de Bourges, pour son beau texte sobre, réaliste et amer.

PREMIER PRIX LEP, MAUX DITS
Inès KIRICH, élève de 1° Bac Pro Gestion- Administration, au Lycée des Métiers Jean Mermoz, Bourges.

Il était midi, le soleil plombait la place en ce jeudi estival. La lumière qui s’était infiltrée dans la chambre de Noé à travers les volets avait fini par le tirer de son sommeil. En se levant, Noé éteignit la télé devant laquelle il s’était endormi la veille. La tête encore dans les vapes, il descendit les escaliers et se dirigea vers la cuisine où il trouva un post-it laissé par sa mère plus tôt, ce matin, lui indiquant les tâches à effectuer avant son retour. Et oui… le jeudi, c’était le jour où la mère de Noé se rendait à sa séance de chimiothérapie. Voilà maintenant six mois que les médecins avaient diagnostiqué son cancer. A 21 ans le jeune homme n’aimait pas vraiment aborder ce sujet. Il faut dire que le simple fait d’imaginer la perte de la personne qui nous a mis au monde peut provoquer quelques vagues de peur dans notre esprit ! Surtout lorsque plongé dans nos pensées, nous nous noyons déjà dans une certaine forme de mélancolie… Quant à son père, il ne l’avait pas connu, ce dernier était parti juste avant l’accouchement de sa mère. Noé luttait jour et nuit contre ses démons et ses envies passagères de faire le saut de l’ange.
Cela faisait maintenant cent et un mois qu’il avait fini ses études et il n’avait toujours pas trouvé de travail. Il aurait tellement aimé être indépendant comme Lia, sa sœur aînée à qui tout souriait ! Elle avait d’ailleurs appelé la veille pour les prévenir qu’elle passerait leur rendre visite ce week-end en compagnie de son fiancé qu’elle tenait à leur présenter " Hi,hi,hi enfin une bonne nouvelle !! " s’était réjoui Noé ! Car ce matin encore, en allant chercher le courrier, une des lettres de motivation qu’il avait envoyée lui était revenue, un message l’accompagnait stipulant qu’on " le remerciait de l’attention portée à la structure mais que malheureusement le poste avait déjà été pourvu ". " Je dirais bien deux mots à tous ces politiques et leurs idéaux sur la relance de l’emploi et l’inversion de la courbe du chômage, il ne suffit pas de voir une loi votée pour faire avancer les choses ! " se dit Noé, sur les nerfs après ce nouveau refus.
Les journées se répétaient, demain sera comme hier est comme aujourd’hui, Noé en perdait la notion du temps et un cercle infernal s’installait chez lui. En plus de cela, il se livrait peu, se remémorant qu’à chaque nouvelle rencontre lorsqu’il avait ouvert son cœur on avait fini par y placer une bombe à retardement. Noé ne voulait plus faire confiance à quelqu’un jusqu’au moment où la trahison surviendrait. La seule avec qui il avait des atomes crochus se nommait la routine. Les tourments et les doutes avaient complètement changé sa personnalité. Les cheveux ébouriffés, les joues et le bouc non rasé, quand il se regardait dans le miroir, il ne voyait plus qu’un homme le scrutant avec dédain … Noé profitait d’être seul pour laisser évacuer ses émotions. Le fardeau qu’il avait sur le cœur était trop lourd à porter mais il ne voulait pas le partager. Il éprouvait même parfois de la fierté quand il réalisait qu’il tenait tout de même le coup tout seul. Cependant cela ne durait jamais longtemps, il savait bien qu’il se voilait la face. Quand la détresse le rattrapait, des larmes montaient, sa vue se troublait, ses cils se collaient les uns au autres, ses yeux se mettaient à fixer le sol, sa bouche s’asséchait, sa mâchoire se serrait, ses lèvres tremblaient, ses joues brûlaient… Puis Noé levait les yeux au ciel, le regard empli de désespoir, avant de greffer un sourire sur son visage pour ne pas inquiéter sa mère. Il se disait qu’un jour le bonheur frapperait à sa porte, bien que, jour après jour, le temps qu’il mettait à trouver en lui une trace d’espérance devenait de plus en plus long…

Plutôt pessimiste il doutait de plus en plus qu’un jour en lui la paix s’immisçât…
Les vœux et les souhaits avaient été rayés du vocabulaire de Noé, et aujourd’hui quand le sujet était abordé, sa gorge se nouait. Il n’éprouvait que nostalgie en pensant à son enfance, à l’époque où ses amis et lui faisaient des aller-retour d’un but à l’autre sur le terrain de foot…’’ Hop,hop, la passe, le tir… Je humais alors les odeurs de la nature aux alentours…’’
Aujourd’hui Noé ne sortait plus de chez lui, il n’avait plus de jus ni d’énergie pour avancer.
Le jeune homme ne s’imaginait pas vieillir, il ne se voyait dans aucun emploi ni avec une femme. A chaque fois qu’il s’était attaché, il avait malheureusement connu plus de moments douloureux que de moments de bonheur. Quand il croyait avoir trouvé la bonne, c’est finalement la désillusion qui venait lui tenir compagnie. Trop souvent muré dans son silence Noé ne savait plus exprimer ses sentiments. Il se sentait incompris, il en concluait que la finalité était la même. " Pourquoi la vie me maltraite ainsi ? "Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela ? Et ce que je suis maudit ? " se questionnait souvent le jeune homme.

Dans le courrier de ce matin, il trouva aussi une énième lettre de relance du propriétaire réclamant ses loyers impayés et posant un ultimatum. " si vous osiez venir nous avertir de vive voix je pourrais vous expliquer… " se morfondait Noé en lisant les menaces.
A chaque fois qu’il pensait toucher le fond, une mauvaise nouvelle de plus, venait lui rappeler qu’il était toujours possible de connaître pire. Cette vie n’était plus supportable, il devait agir. Comme le temps c’est de l’argent le plus dur c’est bien d’économiser ! Dos au mur, Noé devait trouver une solution. Il avait bien déjà pratiqué les jeux de mise, les paris sur les matchs de foot ou sur les courses de chevaux mais il n’avait jamais gagné plus qu’un billet de vingt euros. Le stress grandissait, vu sa situation médicale il n’était pas envisageable que sa mère malade fût expulsée de son logement. Cela faisait des mois et des mois que les factures s’accumulaient. Dans un moment de panique et dans un élan de folie, Noé s’arma d’un couteau avant de prendre le volant et s’arrêta devant la première bijouterie qu’il rencontre. Il est 14 heures, quand le cœur battant, les mains moites, les membres tremblant, il enfile une cagoule et entre dans la boutique…

Il prit en otage un commerçant en lui ordonnant de lui donner rapidement les bijoux. Cet instant, lui semblait être une éternité. La victime se débattait, et dans le feu de l’action un coup de couteau partit… Le temps s’arrêta, immobile, sentant son cœur battre dans ses trempes, Noé se dépêcha de prendre les bijoux amassés par le commerçant et fuit aussi vite qu’il le pouvait.
L’adrénaline retombait, il faisait les comptes et constata soulagée qu’il y a assez pour rembourser ses dettes. Malgré l’accident qui s’était produit à la bijouterie, Noé se surprenait à se trouver apaisé d’avoir trouvé une solution pour venir en aide à sa mère. Pour la première fois depuis longtemps il n’éprouvait plus de crainte en pensant à l’avenir. Et si toutefois des remords lui venaient à l’esprit, il réfléchissait et se convainquait tout seul que c’était la dernière solution possible ‘’ Bip, bip, bip ‘’ son portable se mit à sonner. Il décrocha, c’est Lia !

La voix en sanglots, effondrée au téléphone, sa sœur lui apprenait que son fiancé, bijoutier, venait de décéder des suites de ses blessures à cause d’une agression au couteau subie en début d’après-midi, les médecins n’avaient rien pu faire…Elle était sur place.