Vous êtes ici : Accueil > Archives du Blog > Vie culturelle du Lycée > Prix George Sand de la Nouvelle > And the winners are... deuxième prix !
Publié : 20 novembre 2016
Format PDF Enregistrer au format PDF

And the winners are... deuxième prix !

Morgan Maugey, élève de Terminale SSVT au Lycée Grandmont de Tours, a remporté le deuxième prix      pour sa nouvelle Obsession

Marie, elle avait vingt trois ans quand il est mort. C’était son mari. Un accident de la route tout ce qu’il y a de plus banal en somme. Elle était triste, enfin, un peu. Il la battait. Cela faisait trois ans qu’elle était mariée. Elle avait toujours eu peur de finir toute seule. Il l’avait séduite dans une exposition dédiée à des toiles de son peintre préféré. Elle avait une belle robe beige qui soulignait ses formes de jeune femme. Il l’avait complimentée, il l’avait embrassée. Il était attentionné, respectueux, intelligent. Un homme parfait sur tout les critères. Elle se sentait bien avec lui, du moins, durant la première année. Puis, il s’est éloigné quelques temps d’elle, pour ensuite revenir et la détruire. Des fois, elle saignait. Des fois, elle avait juste des hématomes. Elle allait pleurer dans sa chambre et s’endormait baignée de larmes. Le lendemain, il s’excusait et elle retrouvait le sourire pour ensuite le perdre le soir suivant. Des fois, il l’insultait, parfois, il la culpabilisait. Et elle s’excusait. Elle avait fait une fausse couche. C’était de sa faute.
Elle ne travaillait pas, elle restait à la maison. Mais elle dessinait, peignait. Son mari lui avait dédié une pièce dans la grande maison qu’ils habitaient. Elle était petite mais cela lui allait parce que ce qu’elle voulait, c’est peindre. Des paysages, des silhouettes, des rêves qu’elle faisait et qui la sortait de la réalité. Cette réalité qui n’était qu’un cauchemar éveillé. Et elle restait là des heures dans cette petite pièce ou trônait au milieu un chevalet en bois qui supportait sa nouvelle toile. Les pinceaux traînaient sur le sol et les gouaches et acrylique séchaient lentement dans des pots sur des étagères. Des fois, dans ses élans créatifs elle jetait de la peinture sur les murs et créait son monde dans cette petite pièce où coulait de longues traînées de peinture le long des murs.
Il avait parfois détruit ses cadres mais maintenant c’était fini. Il ne lui ferait plus rien, ni à son corps frêle ni à ses peintures fraîches. Parce qu’il est parti et pour de bon cette fois. Elle avait pleuré à son enterrement, un peu, elle ne savait pas pourquoi. Et sa mère qui regardait le cercueil descendre lentement dans le trou avec mépris l’avait prise par la main et lui avait demandé de laisser pourrir les fougères qui grimperaient sur sa tombe. Elle n’avait pu rien refuser à sa mère car contrairement à elle, était une femme de caractère. Une femme avec une prestance, une veuve riche et respectée. Elle aussi était veuve maintenant.
Elle était retournée dans la grande maison après être restée chez sa mère des mois. Elle se sentait nostalgique et caressait les mur du bout de ses doigts fins. Les chambres étaient d’une froideur à glacer le sang. La poussière s’était immiscée un peu partout et le bois commençait à perdre sa teinte vif d’antan comme si la maison périssait doucement à la perte de son propriétaire. Elle était retournée dans la petite pièce. Elle en revanche ne semblait pas avoir vieilli. Elle était toujours aussi pleine de vie, aussi inspirante. Elle avait pris de la gouache qui était restée au sol et l’avait étalée avec ses doigts le long des murs, à coté des autre traces de peinture. Elle souriait. Elle n’avait pas peint depuis des mois et ses doigts n’avaient pas leur couleur marbré de rouge, de jaune, de bleue depuis trop longtemps. Elle s’était mise dans un coin de la pièce en s’enlaçant de ses bras malingres en se disant qu’elle commençait une nouvelle vie, loin de ses problèmes qui l’avait pourchassée si longtemps.
Elle retrouva un homme quelques temps après, un homme choisi par sa mère cette fois. Il était beau pas très intelligent mais il s’était épris d’elle et elle s’était éprise de lui. Il était d’une bonne famille et travaillait dans le commerce de matière première. Il lui avait raconté ses voyages, plus palpitant les uns que les autres et elle l’avait écouté des nuits durant sans l’interrompre. Il lui semblait qu’elle n’avait jamais autant souri et elle s’endormait dans ses bras tous les soirs.
Elle rêvait beaucoup, souvent le même rêve. Elle rêvait de champs de fleurs dans lesquels elle se noyait, des champs de scabieuses où elle finissait aspirée sous la terre. Elle étouffait et se retrouvait à cracher des œillets. Sa bouche en était emplie. Sa tête lui faisait mal et elle reculait en se la tenant puis percutait un arbre. Elle se retournait et elle y trouvait un bébé qui pleurait. Elle le prenait, le calmait. Elle entendait un bruit et remontait les yeux par crainte qu’on ne lui arrache le bébé des mains. Il n’y avait rien. Elle baissait doucement les yeux sur le bébé qui avait laissé sa place à une poupée sans yeux qui lui tendait les bras. Elle la lâchait et criait à plein poumons avant de se réveiller les yeux écarquillés dans les bras de son mari toujours endormi. Évidemment, le cri n’avait jamais franchi ses lèvres. Elle allait boire de l’eau et se recouchait mais ne se rendormait jamais.
Son mari l’avait emmenée dans des vernissages et l’avait couverte de cadeaux : des peintures, des toiles, des bijoux, des pinceaux. Il voulait qu’elle n’ait plus jamais mal, qu’elle n’ait plus jamais peur. Lui, n’avait jamais été violent et ne le serait jamais. C’était son prince qui l’avait sauvée.
Elle avait eu un enfant avec son nouveau mari, un garçon magnifique avec de fins cheveux blonds et des yeux noisettes. Depuis qu’il était né, elle ne faisait plus de cauchemar. Elle avait retrouvé l’équilibre qu’elle avait perdu depuis un certain temps. Elle faisait maintenant des rêves qu’il lui donnait presque envie de rester endormie pour toujours. Cette mauvaise période de cauchemar était maintenant finie. Elle peignait de nouveau dans la salle que lui avait préparé son mari. Elle suivait les lignes que lui dictait son pinceau. Elle dessinait ce rêve qui l’apaisait tant. Un bateau sur un fleuve. Deux arbres magnifiques en arrière plan qui semblaient sortir de l’eau. elle se laissait guider par son pinceau qui dansait sur la toile. Les couleurs se mélangeait. Elle ne sentait plus la fatigue de ses longues heures passées devant son œuvre, quelle prenait le temps parfois de contempler. Cette toile l’avait comme happée et elle restait des heures et des heures dans la salle qui était devenue son lieux de vie. Son mari ne la retrouvait que pour dormir avec elle. Un soir, en rabattant le duvet du lit sur le corps de sa femme déjà endormie, il découvrit de larges entailles sur ses avant bras. De larges ouvertures qui laissait apparaître l’intérieur de sa chair. Horrifié, il l’avait emmenée consulter un médecin. Il dut plusieurs fois lui recoudre le bras dont les fils ne cessaient de s’enlever. Elle avait rassuré son mari en niant la thèse du suicide qui lui faisait tant peur. Elle n’avait jamais été aussi heureuse. Comment se suicider aurait pu être une option dans cette vie, si joyeuse qu’elle avait ? Elle avait tout ce qu’elle rêvait d’avoir, un mari, un fils, une vie calme, un atelier.
C’était son anniversaire quelques jours après. Elle avait décidé de finir cette toile qui lui plaisait tant, de peindre pour ce jour si spécial. Alors, elle s’était enfermée comme à son habitude dans sa pièce. Il était rentré plus tôt que les autres jours. Il voulait la surprendre. Mais, il paniqua quand il entendit ces cris qui ne semblaient ne jamais vouloir s’arrêter. Ces cris stridents qui venaient de l’atelier de sa femme. Les cris de son enfant. Il avait couru à travers les couloirs et l’appelait à travers la porte qui ne s’ouvrait pas. Il tambourinait à l’entrée en lui suppliant de lui ouvrir. Mais, la porte ne s’ouvrait pas et il entendait comme des petits rires légers venant de l’intérieur. Il avait rassemblé toutes ses forces et avait enfoncé la porte d’un coup sec. Son fils pleurait dans un coin de la salle, posé sur une malle remplie de peinture. Elle, souriait, presque sereine, elle peignait en trempant régulièrement son pinceau dans la plaie ouverte de son bras. Ses gestes tantôt doux, tantôt saccadés ralentissaient jusqu’à ce qu’elle s’arrête. Elle regarda son mari pleine de candeur en retournant la toile qu’elle venait de terminer. La barque s’était transformée en bouche, les arbres en yeux, le fleuve en visage. Et ce tableau coloré, dont elle avait rêvé, s’était transformé en son pire cauchemar. Cette toile toute en nuance de rouge, dont certains traits dégoulinaient encore, horrifia son mari qui, prit de panique s ’enfuit en emportant leur fils, claquant la porte derrière lui.
Sa femme tomba lourdement par terre dans un bruit sourd. Elle gisait là, sur le sol, dans une flaque de sang qui ne cessait d’augmenter. Elle souriait toujours, peut être que finalement elle s’y plaisait dans ce cauchemar, ce cauchemar qui la hantait tant, Marie.