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Publié : 15 novembre 2015
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Publication des nouvelles distinguées par le jury : "Lueurs du passé".

PRIX SPECIAL SECONDE : Nissrine Ghouil, 2nde, Lycée Pothier, Orléans.

Un faisceau lumineux réchauffe mon visage. Cette lumière est claire, douce et pure. La sensation de bien-être qu’elle me procure m’est familière. Je ne connais pas cet endroit mais il est sûrement béni. Une voix apaisante de femme marmonne « Tu…Tu… » puis me chante une berceuse. Elle vient de la lumière. Mes jambes deviennent de plus en plus légères et je crois m’envoler vers cette illumination. Soudain, je sens une main tirer ma jambe droite vers le bas. J’ai beau regarder mais je ne vois personne. Je lève alors la tête mais la lumière pure est devenue rouge-sang et aussi froide que la peau d’un cadavre. Je regarde autour de moi, cet endroit magique a disparu… Plus rien, le néant. Le magnifique murmure qui m’ensorcelait est à présent plus grave et terrifiant, une voix inhumaine, maléfique… « Tue…Tue-la ! ». La main qui tire ma jambe me lâchait subitement et je tombe dans le vide.
Je me réveille en sursaut toute essoufflée essuyant les gouttes de sueur froides qui perlaient sur mon front. Ce merveilleux rêve qui se transformait en cauchemar, cela faisait plusieurs nuits d’affilée que je le faisais, avec à chaque fois un peu plus d’intensité. Je ne savais pas pourquoi. Je ne savais pas non plus ce qu’il signifiait. Mais cette sensation de familiarité avec la voix de la femme me perturbait, j’avais beau essayer de me souvenir où je l’avais entendue…en vain. Après chaque réveil, j’avais un mauvais pressentiment, comme si quelque chose d’horrible allait se produire. Ce pressentiment était plus fort chaque nuit. Je ne voulais raconter ce rêve et ce que je ressentais à personne, on m’aurait prise pour une folle et on se serait moqué de moi. Je me lève pour aller boire un verre d’eau et je passe devant le salon, l’horloge affiche six heures pile. Mon rêve se termine toujours à six heures... Coïncidence ? Je ne sais pas mais cela me donne des frissons. Je retourne dans ma chambre pour me préparer à aller au lycée.
Je commence la journée par les sciences. Nous devons nous mettre par binômes pour disséquer une souris. Plus la dissection avance plus une envie de vomir me vient ainsi que, par éclairs, des visions de mon cauchemar. Mon voisin me regarde avec attention : « Tu vas bien ? Tu es toute blanche ! Tu peux arrêter si tu veux.
– Non ne t’inquiète pas pour moi. Mais où est le scalpel ? ».
Un frisson traverse mon corps. « Tue-la… ». Mon sang se glace et je me sens oppressée. « Pardon ?
– Tu l’as, le scalpel, tu l’as dans ta main. Jessica, tu es vraiment sûre que tout va bi… ».
Je m’évanouis avant d’entendre la fin de sa phrase.

J’ouvre les yeux et je me trouve dans un lit, sous une couverture bien chaude mais d’une couleur déplaisante. C’est une petite chambre avec de grandes fenêtres et des rideaux à fleurs. Près de moi se trouve une table de chevet avec mon sac de cours posé dessus. J’ai un pansement sur le front. Je me rends alors compte que je suis à l’infirmerie du lycée. J’entends une porte s’ouvrir puis se refermer suivi de la voix de mon père. Il vient vers ma chambre accompagné de l’infirmière. « Salut mon ange, tu te sens mieux ?
– Un peu mieux papa, mais j’ai très faim !
– Ça ne m’étonne pas tu n’as rien avalé avant de sortir de la maison et c’est pour cela que tu t’es évanouie en cours de sciences, résultat, tu t’es cognée la tête à la table. Aller, lève-toi je vais t’emmener à la maison. »
Une fois à la maison, je m’empresse d’aller m’allonger sur le canapé du salon avant de me retrouver une fois de plus au sol. Pendant ce temps-là, mon père me prépare quelque chose à manger. Si j’avais pu le faire moi-même je l’aurai fait… J’aime beaucoup mon père, mais ce n’est pas un chef-cuisinier. Mais hélas, ma mère n’est plus parmi nous, elle est morte quand j’étais encore petite dans un accident de voiture. Sa voix douce me manque… Elle me manque terriblement. Ma mère et mon père s’étaient rencontrés sur un site archéologique à Calcutta, ils étaient tous les deux archéologues. Mon père arrive et pose sur la table une assiette de pâtes et une omelette. Je le vois avec un air inquiet. Il me dit : « Écoute ma puce, je vois bien que ces derniers temps quelque chose ne va pas, j’ai l’impression que tu es angoissée, ai-je raison de m’inquiéter pour toi ?
– Euh… oui c’est vrai que je suis un peu distraite par une chose mais… mais je ne voulais pas te le dire par peur que tu ne me trouve stupide.
– Te trouver stupide ? Enfin mon ange, jamais je ne te trouverai stupide, aller raconte-moi ce qu’il t’arrive.
– Eh bien, depuis plusieurs nuits je fais un rêve étrange, il m’angoisse horriblement et j’ai un mauvais pressentiment, comme si quelque chose d’affreux s’était produit ou allait se produire…
- Ce n’est peut-être qu’un cauchemar, dit-moi tout. ».
Je lui explique l’objet de mes angoisses et je remarque bizarrement que plus l’histoire défile plus son visage se crispe. « Papa ?
– Euh… eh bien… ma chérie…
- Papa, tu me fais peur, dit moi ce qui ne va pas.
– Il faut que je t’avoue la vérité maintenant, j’estime que tu es assez grande et… je ne peux plus reculer après ce rêve que tu viens de me décrire. » Il soupire. « Quand ta mère a quitté ce monde, tu avais seulement deux ans et demi.
– Oui, je le sais tu me l’as déjà dit mais qu’est-ce que la mort de maman vient faire dans cette histoire ?
– J’y viens, j’y viens… Je t’avais expliqué que nous l’avions perdue dans un accident de voiture mais ce n’est pas tout à fait vrai… Je t’ai raconté cette histoire pour ne pas te choquer étant donné ton jeune âge… ». Vous vous souvenez de ce pressentiment, il est là, de plus en plus présent, de plus en plus fort, il me fait mal à la poitrine. « La vérité c’est que… le 30 Août 2001, ta mère et moi avions reçu une livraison d’Egypte à expertiser, c’était des objets très précieux qui datait du règne d’Akhenaton et Néfertiti et... »
Bip bip bip, son téléphone vibre, il a reçu un message qu’il lit aussitôt.
« Je suis désolé mon amour, le devoir m’appelle, je dois retourner travailler… mais ne t’inquiète pas je te raconterai la suite plus tard mais là je ne peux vraiment pas, repose toi bien, je t’aime mon ange. ».
Il m’embrasse sur le front et s’empresse de sortir de la maison. Et moi dans tout ça ? Je suis restée silencieuse, c’est comme si mon âme avait quitté mon corps à partir du moment où il a parlé de la mort de maman. J’étais devenue seulement spectatrice de la scène, j’étais tétanisée. Je suis restée immobile pendant vingt bonnes minutes après le départ de mon père, à repasser en boucle dans ma tête ce qu’il m’a dit, comme s’il avait répété son texte durant des années. Je refuse d’attendre une seconde de plus pour connaître la vérité.

En colère, je cours dans sa chambre chercher la robe de maman que j’ai laissée au fond de son armoire, que je garde précieusement pour me blottir contre elle quand je ne vais pas bien. C’est comme si elle était près de moi. « Mais qu’est-ce qu’il se passe maman ? Je suis perdue… ». Je tire la robe et une boîte en carton me tombe sur la tête, je ne l’avais jamais vu avant. Je m’assoie au milieu du lit, je pose la robe de maman près de moi et j’ouvre cette troublante boîte. Je l’ouvre et découvre un album photo avec marqué en grand Emilie et Alexandre, c’est celui du mariage de mes parents, je ne l’ avais jamais vu mais je ne voulais pas demander à mon père pourquoi, je n’osais pas. Ils ont l’air tellement heureux et ils sont très beaux ensemble. Une larme perlée roule sur mes joues rouges. En dessous de toutes ces photos se trouve un journal intime, c’est celui de papa. Je ne savais pas qu’il en tenait un ! Je l’ouvre et commence à lire tout en mettant la voix de papa sur ces mots :

« Je vais devenir fou si je ne fais pas sortir ce que je ressens, cette douleur au plus profond de moi. Je ne peux et ne veux pas le raconter à qui que ce soit. Alors voilà… A 6h du matin, nous nous sommes rendus dans l’entrepôt où se trouvaient ces fameuses pièces de l’histoire égyptienne, notre petite fille était avec nous. Il faisait très sombre dans cet entrepôt, cela permettait de conserver ce qu’il renferme, alors nous sommes partis allumer les lumières. De grands néons très lumineux. Pendant que nous ouvrions les coffres dans lesquels se trouvaient or, bijoux et objets personnels de la reine Néfertiti, notre petite princesse à nous jouait avec sa balle favorite. Sa balle avait roulé derrière des cartons au fond de l’entrepôt alors elle est allée la chercher, je lui ai dit de ne pas trop s’éloigner mais je n’avais pas eu le temps de terminer ma phrase qu’on ne la voyait déjà plus. Soudain, des hommes au loin arrivèrent vers nous. Ils étaient tous habillés de vestes en cuir, l’un d’entre eux était chauve et trois portaient une moustache. Ils étaient cinq. Je suis allé vers eux pour savoir ce qu’ils voulaient mais je reçus un violent coup sur la tête en guise de réponse. Quand j’ai ouvert les yeux, j’étais à terre, tout était flou, j’avais mal à la tête, je me suis touché le crâne et je pouvais sentir une plaie importante et quelque chose de très chaud qui coulait, c’était mon sang. Oui, je me vidais de mon sang. Je pouvais seulement apercevoir les six silhouettes. Une peur immense s’était emparée de moi. Je n’avais pas peur pour moi, j’avais peur pour Jessica et sa mère. Je me sentis fatigué, mes yeux s’étaient refermés, mais je pouvais encore entendre les voix. Émilie criait et pleurait. J’entendis l’un des hommes dire à un autre de l’attacher sur une chaise et de lui scotcher la bouche. D’après ce que j’ai entendu, ils étaient intéressés par les trouvailles égyptiennes, sûrement pour les voler et les revendre car ces merveilles n’avaient pas de prix. Soudain, une voix cria « Tue-la ! », suivie d’un coup de feu et à ce moment précis, j’avais compris ce que ces monstres avaient fait. Je rouvris mes yeux une nouvelle fois, mais cette fois-ci je voyais un peu mieux. Des larmes chaudes coulaient de mes yeux. En face de moi, il y avait un des clous que j’avais retiré des coffres, il faisait environ dix centimètres. Je m ‘en suis emparé sans faire de bruit, et sans même réfléchir, poussé par ma colère, je me suis levé et à l’aide du clou j’ai donné un coup au visage de l’homme le plus proche de moi, l’assassin d’Émilie. Il avait hurlé puis un autre m’avait assommé d’un coup encore plus violent que le premier. Je me sentis tout léger et j’ai bien cru que mon âme allait s’envoler, que c’était la fin pour moi aussi, que j’allais rejoindre ma femme. Ces criminels aussi étaient persuadés de s’être débarrassé de moi une fois pour toute. J’essayais de m’accrocher à la vie, je ne voulais pas que Jessica grandisse orpheline, je ne faisais que de penser à elle, c’est mon ange. Grâce à elle, je me suis réveillé encore un fois, mais il ne restait autour de moi que le cadavre froid et sanglant de ma pauvre Émilie. Tous les coffres avaient disparus, ils nous avaient laissés pour morts. Je me suis levé puis j’ai crié le nom de ma petite fille plusieurs fois mais aucune réponse. Je me suis mis à la chercher dans tous les coins et les recoins de cet endroit maudit. Je m’imaginais déjà le pire quand je l’aperçus, cachée derrière les cartons où s’était échappée sa balle. Un sentiment de soulagement se mêlait à ma peine et ma douleur. Par chance, ils ne l’avaient pas remarquée. Elle m’observait avec attention puis elle m’a dit « Papa, qu’est-ce que tu as sur la tête ? Et maman, pourquoi elle dort ? ». Je ne pouvais pas lui répondre, je l’ai seulement pris dans mes bras et je l’ai serrée très fort, je ne voulais plus la lâcher. Elle avait malheureusement assisté à toute la scène sans vraiment comprendre ce qui se passait. Je l’ai vite emmenée hors de l’entrepôt en lui chantant la berceuse que sa mère lui chantait avant de dormir. Voilà la vraie histoire… mais je n’ai jamais osé le lui dire. ».

Plus aucun son ne pouvait sortir de ma bouche, les larmes ruisselaient sur mes joues. Je me mis à associer chacun des détails de mon rêve à ce que mon père avait écrit dans ce journal. Jamais je n’aurais pu imaginer ce scénario mais tout devenait limpide ! Je me mets debout, comme pétrifiée, je vais me réfugier dans ma chambre. Je tire les rideaux, je ferme la porte et je me jette au fond de mon lit, sous la couverture sans pouvoir retenir mes larmes. Le bruit de la porte se fait entendre, c’est mon père qui est rentré. Il m’appelle mais je ne réponds pas. J’entends ses pas dans les escaliers et puis plus rien.
Je suis restée dans ma chambre toute la journée et toute la nuit à revoir défiler sous mes yeux les scènes que j’avais vues à deux ans et demie. Je n’ai rien avalé et je n’ai pas fermé l’œil. La voix de mon rêve, celle qui semblait être celle d’un ange était en fait celle de ma mère. J’essayais tant bien que mal de me souvenir d’elle, de son visage, de son sourire mais aucun résultat. Tout ce qui était ancré dans ma mémoire était son meurtre.

 

Mon père se réveille. Il est 6 heures. Il vient me déposer un bol de céréales sur mon bureau puis il m’embrasse et part pour son travail. Je ne touche pas au bol. Les heures défilent comme des secondes. Soudain, on sonne à la porte, il est 18 heures. Je descends des escaliers à contre cœur en chantant la berceuse de mon rêve, celle de Maman. Ma poitrine me brûle, comme hier quand mon père m’avait avoué que le contenu de son journal intime était la véritable histoire de la disparition de ma mère. Je me fiche bien de qui peut être derrière cette porte, je n’ai pas envie d’ouvrir. Je traîne les pieds, et mon pied gauche se cogne brutalement sur la petite table qui se trouve à côté de la porte d’entrée, ce qui fait tomber la caisse à outils de mon père, qui s’ouvre au sol et se vide. On sonne une fois de plus. Je ne prends même pas la peine de ramasser ce qui était tombé et j’ouvre la porte. Là se tient un homme de dos, il est très grand et son crâne chauve cache le soleil. Il porte une veste en cuir noire. Un frisson glacial traverse tout mon corps. Il se retourne et laisse le faisceau lumineux du soleil m’éblouir soudain. Dans la lueur rougeoyante du crépuscule, se découpe son visage. Il a une grande cicatrice qui commence du côté gauche de son front, passe par son œil droit et se finit sur sa joue. Haine et peur se bousculent dans mon cœur. Il me regarde fixement et sa bouche se tord en un sourire. Il me parle avec une voix semblable à celle des terrifiantes paroles de mon rêve, mais je n’entends plus rien. Je sens quelque chose d’aussi froid que la peau d’un cadavre rouler sur le plancher, près de mon pied. Un clou… les dernières lueurs embrasent la pièce d’une couleur rouge sang…La haine devient subitement beaucoup plus forte que ma peur…