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Publié : 15 novembre 2015
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Publication des nouvelles distinguées par le jury : "La souffrance de Lili".

PREMIER PRIX LEP, Alycia Samuel, 1ère ASSP, Lycée Jean Mermoz, Bourges.

 Je m’appelle Lili, j’ai seize ans, bientôt dix-sept. Je vis à la campagne au milieu de quatre champs de blé ou de colza, cela dépend des étés. Ils changent tous les ans. J’ai une sœur, Emma. Elle a treize ans on s’entend plutôt bien. Elle est très mature pour son âge. J’ai aussi deux frères de neuf ans, Emerick et Anthony, des jumeaux. Ils sont gentils et on s’entend bien mais ils sont durs parfois avec moi. On a une maison lumineuse, et moi, j’ai la plus grande chambre. Ma sœur est jalouse. On a un jardin très spacieux avec une grande piscine, un trampoline et un toboggan.
Nous sommes au mois de juin. Mon père, José, est marié depuis quatorze ans avec ma mère, Gwénaëlle. Tout le monde l’appelle Gwen. Mon oncle l’appelle Gargamelle, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi.
Mon père travaille dans une boutique de téléphonie et ma mère dans une maison de retraite. Entre mes parents, ça se passe mal depuis un moment. Ils ne se supportent plus depuis longtemps, mais pour nous, ils font comme si tout allait bien. Ma sœur et moi comprenons ce qui se passe mais mes frères, eux, ne comprennent pas tellement toutes ces histoires. J’entend leurs disputes tous les soirs depuis ma chambre. Je les entends, qu’ils soient dans le salon, la salle à manger ou encore la cuisine. Tous les soirs, je les entends. Tous les soirs, je pleure. Je ne supporte plus ça.
Il y a deux ans de ça, un samedi, mes parents travaillaient. Plus rien n’allait, je me sentais mal dans ma peau, dans ma famille. Je pensais que ma vie était en ruines. J’ai donc décidé de mettre fin à mes jours, j’ai avalé des comprimés de toutes sortes. Tout ce que je trouvais dans mon armoire à pharmacie, je prenais. Je me disais que je n’étais plus à ça près, alors j’ai pris, j’ai pris et encore pris. Emma m’a retrouvée dans un état très médiocre. Elle m’a sauvée. Elle a fait tout son possible, elle m’a secouée, elle m’a parlé. Elle m’a dit « Alycia, réveille toi, j’ai besoin de toi, je t’aime, je suis là pour toi, pourquoi as-tu fait ça ? Je t’aime, réveille-toi, je t’en supplie !! » Elle criait, pleurait, elle était effondrée. Elle m’a sauvée, je lui dois la vie. Ma sœur m’a aidée. Emma n’a rien dit à mes parents. On a préféré attendre, alors on a attendu. Quelques semaines plus tard, je leur ai annoncé ce qui s’était passé. Ils ont été choqués, effondrés, anéantis et se sont sentis coupables. J’en ai toujours voulu à ma mère. Mon père, lui, il m’aime.
L’été, j’aime bien aller dormir dans ma caravane avec Emma au fond du jardin, à côté de la piscine. Quand il fait chaud, on aime bien se baigner avant le petit déjeuner. C’est une petite caravane, mais confortable. On dort bien dedans. Les rideaux sont oranges et les matelas remplis de fleurs. On a notre petite cuisine. Souvent, on va cueillir des fleurs pour les mettre sur la table que l’on a. J’aime y coucher surtout pour ne plus entendre mes parents se disputer tous les soirs.
Ma mère était alcoolique et violente. Elle était violente avec moi, très peu avec ma sœur Emma. Emerick est le petit préféré de maman, ma sœur aussi est sa fille préférée. Anthony, le plus jeune des jumeaux est trop petit pour comprendre les histoires d’adultes. Elle l’a toujours aimé aussi, mais moi, j’ai toujours été la mal-aimée aux yeux de ma mère, je ne sais pas vraiment pourquoi. Papa, mamie et papy me l’ont dit, maman ne s’est jamais occupée de moi, elle me laissait dans ma chambre, pleurer, crier et mourir de faim.
L’année de mes 10 ans, maman est devenue de plus en plus violente avec moi. Elle me frappait, me disputait pour tout. Elle ne m’a jamais aimée. Je voudrais savoir pourquoi elle ne m’aime pas, pourquoi elle me frappait, pourquoi elle m’insultait et me rabaissait devant mes frères et ma sœur, pourquoi elle me traitait de « salope », pourquoi elle me disait « t’es qu’une garce » pourquoi elle me disait tous les jours « ferme ta gueule et dégage, pétasse » ? Dans ces moments-là, je préférais me taire. J’avais peur, très peur d’elle. Encore maintenant. Une fille qui a peur de sa mère ? Ce n’est pas normal. Mais mon père, m’a toujours aimée et protégée. Mon père, je l’aime.
Un soir, mon père est arrivé, livide, dans la caravane alors que je parlais avec Emma de choses et d’autres. Il tremblait. Ma mère avait voulu le tuer. Elle l’avait poussé dans les escaliers en lui disant « Tu peux pas crever, connard ?! ». Quand mon père nous l’a raconté, on a eu peur. Pourquoi a-t-elle voulu le tuer ?
Pour l’argent ou encore la maison ? Oui, ça doit être ça. Je ne sais pas si je peux encore l’appeler « maman ». On me dit que l’on n’a qu’une seule mère, c’est vrai. Ces personnes-là ont raison. Mais une mère hypocrite, violente, alcoolique et meurtrière, ce n’est pas facile à vivre. Pour ma sœur et moi, c’est dur, compliqué. Je crois que mes frères ne connaissent pas l’histoire, ils la sauront plus tard, mais pas maintenant. Ma sœur a peur et ne veut plus la voir. Elle lui en veut. Moi aussi, je lui en veux mais j’essaye de faire des efforts. Pas pour elle, mais pour mon père, alors que j’ai toujours été la mal-aimée de ma mère.
Mes parents sont en procédure de divorce en ce moment. Rien n’est facile, d’un côté ou d’un autre.
Ma mère a changé de maison, elle vit désormais dans une maison en location dans un lotissement. Elle a un petit jardin. Ma chambre est rose mais exiguë. Ma sœur ne veut plus voir ma mère. Pourtant, c’est moi que ma mère n’aime pas, celle avec qui il y avait des conflits tous les jours. Elles ne se parlent plus, plus du tout. Je suis un week-end chez ma mère, un week-end chez mon père, mon père me manque tous les jours, chaque seconde.
Je m’appelle Lili, j’ai seize ans et je porte une souffrance qui m’envahit tous les jours, un poids qui me pèse.