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Publié : 14 avril 2012
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Comprendre des mécanismes de violence

Comment sortir d’une relation de manipulation ou de domination dont on se sent victime ?

Il faut avant tout comprendre comment s’installe une telle relation.

La relation avec l’autre est souvent le résultat de notre construction personnelle.

Selon Daniel FAVRE ( Laboratoire interdisciplinaire de recherche en didactique et formation), elle se fait selon 3 systèmes :

La motivation de sécurisation :

Elle est prépondérante dans la petite enfance et reste présente toute la vie, le sentiment de bien-être est associé à la satisfaction de besoins biologiques et psychologiques essentiels, dans une relation de dépendance à autrui. Cette motivation se manifeste également lorsque nous prenons plaisir à réaliser des tâches que nous maîtrisons bien ou lorsque nous retrouvons des personnes qui nous sont chères... Chaque enfant a besoin d’éprouver ce plaisir qui forge sa confiance primaire en lui et dans la vie et lui donne la possibilité de s’ouvrir à autrui, de prendre le risque d’apprendre et d’établir des liens durables.

L’élément qui fonde la sécurité du sujet est d’abord externe à lui, ce qui est une caractéristique de la motivation de sécurisation mais c’est l’intériorisation de l’amour et de l’estime reçus des adultes qui va permettre au jeune de commencer à construire sa référence interne.

La motivation d’innovation :

Dans ce système de motivation, le plaisir a pour origine les conduites par lesquelles un être humain gagne de l’autonomie (physique, intellectuelle ou affective), surmonte des difficultés, résout des problèmes, montre ses aptitudes, fait preuve de création et d’innovation.

Le plaisir obtenu ici est indissociable d’une position de responsabilité et de non dépendance. Les satisfactions associées à ces comportements sont souvent décalées dans le temps et nécessitent donc un investissement soutenu. La référence qui fonde la sécurité du sujet est interne, liée à ce qu’il a pu intérioriser de ses réussites.

La motivation de sécurisation parasitée

Dans ce troisième système de motivation, les satisfactions sont associées à la reproduction, le plus souvent inconscientes, de situations de dépendance vis-à-vis de produits, de comportements ou de personnes. La motivation de sécurisation parasitée s’apparente donc à une forme d’addiction ou de toxicomanie : la répétition compulsive engendrant de moins en moins de plaisir rend nécessaire la recherche du « toujours plus », L’individu fonctionnant en motivation de sécurisation parasitée ne peut explorer le changement qualitatif de l’individuation impliquant l’acceptation des pertes (donc des « sevrages ») pour mieux grandir.

D. Favre, Transformer la violence, Dunod , 2007

Dans cet exemple, et grâce à ce modèle, nous pouvons décoder un manque de confiance en soi (motivation de sécurisation insuffisante dans l’enfance) :

Exemple

Cela se passe dans le bloc chirurgical d’un hôpital. « Pince !! » demande le chirurgien à l’infirmière. Celle-ci lui en tend une qu’il jette à terre rageusement. Elle lui en tend alors une autre qui est acceptée. Lors d’une autre intervention chirurgicale du même type, à la même injonction : « pince ! », l’infirmière prend garde de tendre la “bonne” pince au même chirurgien, mais celui-ci la jette à nouveau à terre en disant : « Décidément, vous n’apprendrez jamais rien !! » Et le “jeu” continuera....

Le terme de “Jeu” a été utilisé par Éric Berne pour désigner des comportements relationnels répétitifs qui enferment les “joueurs” dans des conduites engendrant des émotions dont ils ont le plus souvent du mal à se passer. L’un des plus fréquents de ces Jeux est celui qui relie persécuteurs, victimes et sauveteurs. Les Jeux peuvent se poursuivre sur de longues périodes (plusieurs années) jusqu’à ce qu’un des “joueurs” n’y trouve plus son compte.

C’était le cas de cette infirmière qui présente cette situation en formation, en indiquant que cela l’angoisse énormément de devoir travailler avec ce chirurgien. Elle le décrit comme un être sadique qui se régale à faire souffrir les personnes qui travaillent avec lui. Ce problème empoisonne sa vie professionnelle au point qu’elle envisage de changer de service, alors qu’elle vient de se spécialiser en bloc opératoire, et qu’elle apprécie par ailleurs beaucoup son travail.

Mais quelle est donc la part de responsabilité de l’infirmière dans l’histoire ? La participante parvient à identifier que sa responsabilité est liée au fait qu’elle ne dit mot quand le chirurgien lui dit « pince ».

C’est bien parce qu’elle ne vérifie pas quel est l’outil précis que le chirurgien désire utiliser, que l’instrumentiste s’attire un jugement négatif. Et pourquoi ne le fait-elle pas ? Parce qu’après six mois passés dans ce service, elle se doit de connaître l’intervention et le matériel adapté à chacune de ses phases. Et si elle montrait qu’elle ne connaissait pas tout parfaitement ? Elle se sentirait incompétente aux yeux de ses collègues et des chirurgiens.

Cet exemple illustre comment une interaction violente est sous-tendue par les motivations des personnes en présence, impliquant plaisir et frustration.

Daniel FAVRE travaille aussi pour comprendre comment motiver les élèves.

Vidéo sur YouTube : Daniel Favre : Cessons de démotiver les élèves