Vous êtes ici : Accueil > Archives du Blog > Année 2011-2012 > La Douceur du velours, c’était jeudi 8 mars, journée internationale des (...)
Publié : 16 mars 2012
Format PDF Enregistrer au format PDF

La Douceur du velours, c’était jeudi 8 mars, journée internationale des femmes.

LA DOUCEUR DU VELOURS

Les lumières s’éteignent ; la pièce va commencer. C’est alors que la voix incandescente de la chanteuse américaine Janis Joplin, reconnaissable parmi mille, fait vibrer les murs du théâtre Maurice Sand... Sans que la comédienne n’ait prononcé un mot, la pièce m’a déjà conquise.

Camille, unique protagoniste de la pièce, est interprétée par la comédienne Sophie de la Rochefoucauld, connue pour ses divers engagements politiques. 

Camille est allongée sur son divan, le visage engouffré dans le velours gris de son canapé.

Camille se retourne, puis commence à parler. Camille est drôle, attachante, émouvante, rêveuse... Parfois, on s’identifie à elle. Camille nous parle beaucoup de ce qu’on comprend être son "ancienne vie", son métier de coiffeuse par exemple. Le nom de Jacky revient incessamment tout au long de la pièce. Celui de François aussi, son "nouvel amour", nous dit-elle. Camille semble être très active, et positive ; elle dédramatise tout, en ajoutant toujours un petit trait d’humour, ce qui la rend follement attachante. 

On s’attendait à un conventionnel plaidoyer pour les femmes battues, mais l’angle ici abordé est tout autre. C’est à travers un personnage au quotidien a priori banal que la pièce s’insurge. En effet, Camille nous narre son histoire, sa passion pour la coiffure, la collection des cartes postales, ses amies, ses voisins, son araignée Elysée... Et c’est entre ces tirades qu’implicitement, on voit tous les dommages de cette femme maltraitée. Quand Camille prend l’exemple de cette journée à la plage, tout devient plus clair. Malgré son envie prononcée d’aller se baigner, Camille n’ose pas se dévêtir, non à cause de son poids, mais à cause de la myriade de bleus qui couvrent son corps. Très vite, nous découvrons que Jacky était le mari violent de Camille ; nous découvrons aussi son alcoolisme, lorsque Camille revoit l’image des capsules de bières éparpillées sur son parquet.

 
 
Joplin revient de temps en temps. Un effet sonore imitant l’accélération des battements d’un coeur revient régulièrement, particulièrement quand Camille évoque ses douloureux souvenirs avec Jacky... Puis, Camille nous fait une formidable tirade sur les chips.

Quand la pièce se termine, l’éclairage diminue et la scène devient sombre. Camille est de nouveau allongée, dans la même position qu’au début de la pièce. 

La pièce prend alors une tournure très sombre et douloureuse. Joplin ne chante plus.

Une bande son enregistrée nous renvoie à la réalité cruelle du passé de Camille. Cette bande-son indique que François n’est autre que le policier qui le premier a interrogé Camille, lorsqu’il l’a retrouvée, presque inerte. François énumère les blessures de Camille une par une. Un spot de lumière jaune éclaire la tête d’un mannequin que Camille utilise pour s’exercer à la coiffure, quand ça lui manque. Je vois en ce visage livide et sans vie celui de Camille. Nous comprenons qu’en réalité, Camille est détruite. C’est alors que mes larmes débordent.

Se créer un monde à toi, ressasser le passé, se dire que tout va bien, et que malgré les blessures qu’elle nous inflige, la vie est belle...

 

Sophie de la Rochefoucauld reçoit une ovation singulière : celle d’un public ému, et pris aux tripes. 

LA RENCONTRE

 Après la longue ovation que reçut la pièce, des membres de l’association Femmes Solidaires à La Châtre ainsi que l’auteure de la pièce, Christine Reverho, intervinrent ; le débat fut lancé. Plus tard, elles furent rejointes par Sophie de la Rochefoucauld, la comédienne, encore émue par son rôle.

 Les sujets abordés furent ceux auxquels on s’attendait.

La solitude de la femme battue, qui se renferme sur elle-même, se dévalorise et se dégrade. 

C’est ici que toute l’action des Femmes Solidaires s’illustre, elles rappelèrent le numéro de secours aux femmes battues et invitèrent les personnes concernées à appeler, à en parler à leur entourage, le rempart de la solitude n’en étant pas un. Des interrogations se posèrent alors dans le public : pourquoi ne pas tout simplement partir ? "Parce que ces personnes sont amoureuses", répondirent nos interlocutrices. "Il ne s’agit pas de porter plainte contre n’importe qui, mais contre son mari", ajoutèrent-elles. Une sorte de syndrome de Stockholm se développe chez la victime ; à savoir, le syndrome développé par un(e) otage qui a longtemps partagé la vie de son geôlier, et qui a développé une empathie, voire une sympathie pour son geôlier.

  "Des excuses, toujours des excuses !" 

Il y eut alors une discussion sur les enfants ; les victimes indirectes des violences conjugales. Quels est leur regard sur la situation de leur mère battue par leur père ? Il ne comprennent pas, pensent les femmes concernées. Des excuses, on trouve toujours des excuses, disait Camille dans la pièce. Or, les enfants voient tout et comprennent tout, bien entendu, et cela les marque le restant de leur existence. On a de plus observé que quelques hommes violents envers leurs femmes sont souvent les fils de pères eux-mêmes violents. Ces derniers peuvent être violents, comme c’est le cas dans la pièce, à cause de l’abus d’alcool. Une question vient alors : "est-ce le seul critère de la violence ?" Non, beaucoup d’autres facteurs interviennent ; cela peut être le stress au travail, mais il est vrai que l’alcoolisme est un facteur fréquent. 

SOPHIE DE LA ROCHEFOUCAULD

 

L’actrice et comédienne, Sophie de La Rochefoucauld

Elève de notamment Michel Bouquet au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, Sophie de La Rochefoucauld mène de front une carrière théâtrale et à la télévision. Elle est aussi à l’écoute des plus démunis, impliquée dans de nombreuses associations. 

" Quand Panchika Velez (metteur en scène) m’a proposé ce rôle, c’était à un moment de ma vie où il était devenu de plus en plus important pour moi de m’engager... De rapprocher mon engagement citoyen de mon métier, de pouvoir militer avec un texte de théâtre" S. de La Rochefoucauld.

Lors de la pièce, encore et encore applaudie de nouveau, la comédienne s’invite au débat après être sortie de son rôle, "ce qui est très difficile", expliqua-t-elle. 

Pour elle, il était important que le thème des violences conjugales soit abordé au théâtre car c’est un thème dont on parle peu, voire un thème tabou. 

Elle expliqua ensuite, son jeu de comédienne, plein de spontanéité et de sincérité.

CHRISTINE REVERHO

 

Christine Reverho est une dramaturge française et notamment, l’auteur de la pièce La Douceur du Velours.

Comment lui est venue l’idée d’écrire une pièce sur le thème des violences conjugales ?

La Douceur du Velours m’a été inspirée par le témoignage d’une femme, Camille. Je l’ai rencontrée il y a plusieurs années, au cours de l’écriture d’un scénario qui traitait des violences conjugales. Camille avait subi, durant des années, dans le silence et la culpabilité, les violences de son compagnon. C’était une femme vive et gaie. Mais, sous cette apparent gaité, sous cette fausse légèreté, se cachaient de profondes blessures. Un fardeau lourd à porter mais aussi douloureux à dévoiler. Nous avons mis du temps à nous connaître, nous comprendre... A travers la pudeur des mots, elle me révéla petit à petit ses blessures. Son témoignage m’avait bouleversée. J’ai eu envie de le transmettre. Il me semblait important de sensibiliser le public sur ce sujet... au-delà même des spots médiatiques" C. Reverho