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Publié : 27 juin 2013
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Futurs élèves de TL, et si vous écoutiez Lorenzaccio ?

Théâtre à lire pour Musset qui conçut la pièce comme un « spectacle dans un fauteuil », théâtre à voir pour tous les metteurs en scène qui se sont lancé le défi de la représenter, et si Lorenzaccio était aussi une pièce à écouter ?

L’expérience peut être tentée à travers l’adaptation qu’en proposent Gérald Garutti et Michel Sidoroff sur le site de France-Culture.(cliquez sur le lien)

Fait rare : la pièce y est jouée dans son intégralité.

La proposition est très intéressante tant elle peut éduquer à l’écoute, favoriser une immersion dans l’œuvre, inviter à une réflexion sur les choix de mise en scène sonore :

"La préparation de l’assassinat, vers lequel tous les interprètes et l’équipe furent tendus, et ses conséquences tragiques pour la jeunesse révoltée de Florence et Lorenzo lui-même, cette vaste respiration de la pièce de Musset, tous ces mouvements ne pouvaient pour moi s’incarner que dans un cinéma pour l’oreille où bruitages, ambiances et musique tantôt s’intègrent au texte, tantôt l’absorbent." Michel Sidoroff

Par fjarraud , le lundi 11 février 2013.

FICTIONS / THÉÂTRE ET CIE Cycle Musset "Lorenzaccio" de Alfred Musset

 D’après l’adaptation de Gérald Garutti

Réalisation : Michel Sidoroff

« Dans un double mouvement dont seule la construction dramatique peut rassembler les aspects contradictoires, Musset, si proche des étudiants de sa pièce, règle ses comptes avec la bourgeoisie de 1830, révolutionnaire en paroles mais vite soumise à Louis-Philippe, et invente ce personnage de solitaire incompris, décalé, mélange de libertin et de héros romantique qu’il développera dans la Confession d’un enfant du siècle. Il y a donc au départ et à l’arrivée une exigence de vérité qui mêle dans un mouvement impétueux vérité politique et confession, qui est un désir de dépassement de soi chez Musset. L’action devait en être nécessairement longue et complexe, révélant tour à tour les aspects les plus contrastés de la société florentine revue par Musset ainsi que les ascensions et les descentes de l’âme tourmentée de Lorenzo. Ainsi le spectateur est-il rapidement transporté à travers les espaces les plus variés, sans souci du "coût de production". Mais aussi dans une temporalité transformée, concentrée : George Sand, qui fournit — sublime cadeau – l’argument de la pièce à Musset, avait déjà ramené à quelques jours une action s’étalant sur quinze ans dans les Chroniques de Varchi…

Jamais la pièce ne fut représentée dans son intégralité, et l’on se demande si les décideurs sont par là restés fidèles au principe du « spectacle dans un fauteuil » (Musset ne croyait pas à une possible représentation de Lorenzaccio) ou s’ils ont suivi le geste castrateur des directeurs de théâtres obligeant Musset à défigurer nombre de ses pièces… Assez curieusement, ce sont les scènes politiques (complot de la marquise de Cibo, manifestation des étudiants, discussions entre notables impuissants après l’assassinat du Duc) qui eurent à souffrir des coupes pratiquées dans une pièce souvent jugée bavarde, mais à tort selon nous, par le milieu théâtral.

L’adaptation de Gérald Garutti, si elle se plie au format, actuellement le moins étroit, des deux heures de diffusion, réussit le tour de force de ne couper pratiquement aucune scène de la pièce et d’en préserver ainsi les multiples facettes, charme essentiel de Lorenzaccio. Elle souligne la construction vigoureuse de ce théâtre politique intime qui nous a tous deux si violemment émus.

Musset était hanté par Hamlet. Hanté par la musique que Chostakovitch composa pour le Hamlet de Kozintsev, je l’ai détournée, en hommage à ce cinéaste, et pour souligner le lien – et non l’identité – qu’il y avait pour Musset entre les deux personnages.

Gérard Desarthe, qui fut Hamlet au théâtre, mais aussi un très jeune Lorenzaccio, interprète à présent Philippe Strozzi. Thibault Vinçon, Lorenzo, est familier du personnage. Il en incarne la force de décision et la fragilité feinte. Quant à Guillaume Durieux, il restitue l’énergie animale du Duc et sa puissance de séduction. Tous les rôles, fort nombreux et parfois si météoriques, ont su déclencher la passion chez leurs interprètes.

Puisse le règlement de compte de Musset avec les bourgeois de 1830 résonner avec les inquiétudes et la révolte de ceux qui espèrent aujourd’hui être menés à la victoire contre forces de l’oppression. Puisse Lorenzaccio redonner le goût d’un théâtre hors normes à une époque trop formatée. » Michel Sidoroff