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Publié : 17 avril 2012
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Caravage, La Course à l’abîme.

 

Vendredi après-midi, les "abonnés privilégiés" du lycée ont rencontré Cesare Capitani et Laetitia Favart dans le Foyer du Théâtre Maurice Sand.

Dans la salle (lieu habituel de nos rencontres avec les artistes) plongée dans le noir, Raphaël, le technicien lumière, s’active à des réglages minutieux, d’une précision millimétrique, d’éclairages à la bougie pour restituer les clairs-obscurs du peintre Caravage. Nous n’avons pas le droit d’entrer, nous dit Delphine Gabillat, administratrice, qui nous accueille, autant parce que nous ne verrions rien à ce stade que pour réserver la surprise pour le spectacle du soir.

Au Foyer, Vanessa Weinling du Service culturel de la Mairie, et Corinne Bordet de la Bibliothèque ont mis en place une exposition des tableaux majeurs de Caravage, belle introduction au spectacle que nous allons voir.

Depuis Garçon avec un panier de fruits, de 1593, à La Mort de la Vierge, de 1605-1606, si choquante pour les contemporains, car ils ont reconnu dans le modèle de la mère du Christ, une prostituée romaine célèbre qui s’était noyée dans le Tibre, ce sont tous les tableaux qui ont révolutionné l’art pictural et la conception du religieux qui ont été présentés aux lycéens par Cesare Capitani.

Dans La Vocation de saint Matthieu, il a évoqué la diagonale de lumière que nous allions retrouver dans le spectacle du soir. Caravage n’est pas que le peintre du clair-obscur (qui a engendré le caravagisme) ; il est aussi le peintre qui met en scène dans ses tableaux un érotisme provocateur, tel cet Amour victorieux, qui joyeusement affirme son pouvoir, ou une violence cruelle telle sa Judith décapitant Holopherne, avec ce sang qui gicle, rouge sur le drap blanc.

Dans David avec la tête de Goliath, dont Caravage a peint plusieurs versions, ce qui a frappé Dominique Fernandez, l’auteur de la biographie romancée, La Course à l’abîme, c’est que le peintre ait fait son autoportrait dans la tête décapitée d’Holopherne que tient un jeune David plus triste que triomphant. Le romancier y a trouvé le fil conducteur de son récit pour reconstituer la vie violente et tragique du peintre rebelle à toutes les lois, celles de la peinture, mais aussi celles de la morale, de la société et de la religion. 

Cesare Capitani nous a raconté le long travail d’écriture qu’il a fait pour transformer l’épais roman de Fernandez en un texte théâtral, plus d’une dizaine de versions, soumises à Fernandez qui l’a constamment encouragé.

Il nous a dit aussi combien ce rôle est éprouvant ; incarner jusqu’à lui ressembler (c’est ce que disent même les amis de Cesare !) "cet homme dévoré de passions" n’est pas anodin ; à la fin de chaque représentation, Cesare éprouve le besoin de parler au public dès que les lumières de la salle se rallument, pour, en quelque sorte, revenir à la réalité, redevenir le comédien, échapper à son personnage.

Laetitia Favart, comédienne et chanteuse, nous a expliqué son rôle : elle joue tous les personnages que croise Caravage dans sa course, en particulier ses amants, mais surtout, dit-elle, elle est comme son ombre. Le texte est ponctué de chants a capella, chants baroques de contemporains de Caravage, comme Monteverdi.

« En écrivant La course à l’abîme, roman qui tente de ressusciter par l’écriture la figure du peintre Caravage, je ne pensais pas voir jamais ressurgir celui-ci, sous mes yeux, en chair et en os, cheveux noirs et mine torturée, tel que je me l’étais imaginé, brûlé de désirs, violent, insoumis, possédé par l’ivresse du sacrifice et de la mort. Eh bien, c’est fait : Cesare Capitani réussit le tour de force d’incarner sur scène cet homme dévoré de passions. Il est Caravage, “Moi, Caravage”, c’est lui. Il prend à bras le corps le destin du peintre pour le conduire, dans la fièvre et l’impatience, jusqu’au désastre final. » »

Dominique Fernandez, avril 2010

A la fin de cette rencontre passionnante et chaleureuse, qui nous a paru trop courte, nous étions tous impatients d’être au soir pour voir le spectacle...

Et nous avons été littéralement envoûtés par la performance des deux artistes et la beauté des éclairages qui nous ont donné l’impression de "voir" les tableaux du peintre qui n’étaient que suggérés.

Merci encore à Cesare (prononcez "Tchézaré") et Laetitia pour ces moments magiques.

Et merci à Delphine qui nous offre ces rencontres précieuses.