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Par : Sophie
Publié : 2 mars 2012
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Tous les matins du monde (film) ou l’Eloge de l’ombre

Alain Corneau a déclaré que les textes fondateurs du film étaient le roman de Quignard, mais aussi Eloge de l’ombre du japonais Tanizaki. Corneau exigea que toute l’équipe du film le lise.

Le film s’ouvre sur de l’ombre, écran sombre, puis un visage sort de cette obscurité : règne de l’ombre.

Puis on entend : « Il faut fermer les volets ! » 

Marin Marais réclame l’ombre ; il veut plonger son univers lumineux, coloré, doré dans les ténèbres, obscurcir sa renommée pour éclairer la vie de Sainte Colombe. Symboliquement, il disparaît pour mettre en lumière celui à qui il doit tout.

La beauté n’est possible que par la pénombre, car la lumière parcimonieuse met l’ombre en valeur.

 L’esthétique japonisante selon Juni’chirô Tanizaki

L’ombre orientale s’oppose à la clarté et à la brillance occidentales.

« L’éclairage oriental sera sublimé par la flamme de la bougie et l’ombre. »

Le film joue sur le degré d’opacité de l’ombre à l’intérieur de la demeure des Sainte Colombe et de la cabane toujours sombres.

Dans la dernière scène, l’éclairage indirect sur les visages renforce la complexité de la relation et des sentiments des deux protagonistes. 

Dernière leçon.
Vin versé et bougie à 1h 41 44s

Le clair-obscur vante la beauté des objets simples qui nous entourent,

par exemple, la transparence d’un verre derrière lequel resplendit la flamme d’une bougie : le vin se teint alors en reflets chatoyants.

Influence orientale : Sainte Colombe dans sa cabane
Film : 17 min, 48 secondes.

La cabane est très sombre, coupée de l’extérieur. Très peu de lumière y pénètre. Les fenêtres sont fermées par des volets au-dessus desquels des persiennes laissent deviner la lumière du jour.

Corneau a choisi de créer des clairs-obscurs d’extérieur et nocturnes.

Un éclairage particulier accentue le mystère :

Par exemple dans la scène de l’apparition de Mme de Sainte Colombe après l’Office des Ténèbres , au bord de l’étang : 1h03 40sec.

Autre exemple : la scène pathétique où Madeleine, saisie de folie et de désespoir, va et vient dans le jardin la nuit sous les yeux de son père impuissant. Scène filmée en contre plongée. Le fond est un ciel bleu foncé qui contraste avec la silhouette blafarde de Madeleine vêtue d’une chemise de nuit blanche. Le jeusur les contrastes, comme dans une nuit de pleine lune, rend la scène d’autant plus étrange et impressionnante.

Elle s’oppose à la scène suivante : Marin Marais à Versailles mène l’orchestre, baignant dans la lumière. 1h 14 minutes, 45 secondes.

 

 Ainsi, le film illustre l’atmosphère dans laquelle Sainte Colombe a choisi de vivre : l’obscurité, les ténèbres.

Beaucoup de scènes ont lieu la nuit ou au crépuscule. A de nombreuses reprises, l’aube et le crépuscule se confondent (Madeleine folle dans le jardin, dernière scène).