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Par : Harry
Publié : 10 février 2017
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Lettre fictive de Guy de Maupassant.

Quand un auteur "répond" aux critiques.

Guy de Maupassant,

Journal Gil Blas

A Paris, le 23 Novembre 1885

Lettre ouverte aux lecteurs du monde entier.

Mes chers amis, mes chers ennemis,

Aujourd’hui j’assume entièrement l’écriture de mon roman, Bel-Ami, et reste persuadé que ce roman est un chef-d’œuvre de la littérature française, malgré les nombreuses critiques à son encontre. Il est désormais l’heure de répondre à vos critiques infondées.

Bel-Ami relate un fait de société bien trop répandu dans notre capitale parisienne : l’ascension d’un ambitieux. C’est là tout le roman ! Vous, les démagogues, n’appréciez pas que je révèle au grand jour tous vos stratagèmes véreux pour parvenir à vos fins grotesques. Vous vous sentez attaqués, critiqués, et vous n’acceptez pas la vérité qui est la vôtre. Vous avez tous commencé votre sombre carrière comme « Georges Duroy » avec « juste en poche trois francs quarante pour finir le mois ». En effet « je montre dès la première ligne que l’on a devant soi une graine de gredin qui va pousser sur le terrain où elle tombera ». « Georges Duroy » était tombé dans les bras de Forestier : il va finir riche et marié en ayant poussé comme une mauvaise herbe. Dans cette lettre ouverte, à toute la population, je hurle, je crie, je dénonce les arrivistes comme « Georges Duroy » qui ne savent qu’insulter l’art et la citoyenneté et rabaisser les femmes et le savoir-vivre ; des malotrus piétinant tout sur leur passage, à en détruire plusieurs vies.

C’est peut-être le réalisme qui vous effraie. C’est un comble, être effrayé par des mots, par une vraisemblance étonnante, c’est là le défaut des Français. Vous enviez secrètement Bel-Ami pour sa réussite, mais vous arrivez tels des charognards parce que c’est ce qu’on vous a demandé de faire. Vous n’aimez pas que l’on vous donne des leçons pourtant évidentes, mais vous m’en donnez avec vos critiques sordides.

La critique ne m’a jamais apprécié. Moi, Guy de Maupassant, continuerai de consacrer mon talent incompris à écrire des nouvelles et romans qui dérangent. J’ai l’espoir qu’un jour, Bel-Ami soit reconnu à sa juste valeur et compris par les hommes et femmes français. Néanmoins, ce n’est pas uniquement l’ambitieux qui est peint dans cette œuvre, mais aussi l’argent qui nous tient tous, tous malgré nous. « Cette salade de société » mêle à la fois politique et amour, ambition et argent ; c’est ce qu’est mon roman, un roman haut en couleurs, d’où vous ne ressortirez pas indemne si vous savez lire entre les lignes.

Pour finir, rien n’est plus dangereux qu’un écrivain qui sommeille. Au nom de l’érudition, cessez de critiquer sans savoir, de juger sans connaître. Bel-Ami reflète mon opinion, mes ressentiments, ma propre expérience de journaliste. C’est un morceau de moi-même qui vit dans ce roman, comme un cœur qui bat.

Cordialement,  

 Guy de Maupassant.