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Publié : 23 novembre 2014
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"Je vous admire et vous remercie..."

Cérémonie de remise du Prix George Sand : discours d’Olivier Lécrivain

Chers amis,

Cette édition de notre prix est exceptionnelle, non seulement par la qualité des textes que nous avons reçus, mais également par leur provenance : les onze lauréats que nous allons récompenser aujourd’hui proviennent majoritairement de trois établissements de l’académie, le lycée Grandmont de Tours, le lycée François Villon de Beaugency, et le Lycée général technologique agricole La Saussaye de Chartres. A ces trois lycées, j’ajoute le lycée George Sand de la Châtre, qui nous fournit cette année la régionale de l’étape. Le prix LP professionnel est trusté, comme c’est le cas depuis au moins 2008, par un élève du Lycée Jean Mermoz de Bourges. Même les nouvelles que nous avions sélectionnées en première lecture et que nous n’avons finalement pas retenues proviennent de ces établissements. 

Photo de groupe : les jeunes écrivains primés avec Mme la Sous-Préfète.

On pourrait donc dire qu’il en est du prix George Sand comme des cèpes, des truffes ou des girolles, certains terrains sont plus propices que d’autres à leur éclosion.

Je crois surtout qu’il faut voir dans cette concentration l’influence bénéfique de certains enseignants, qui savent aiguillonner les élèves tentés par l’écriture, et les aident à sauter le pas, ou mieux encore, qui savent entraîner toute une classe dans une aventure créatrice.

A l’honneur, non seulement les lauréats, mais aussi les enseignants qui les ont motivés, encouragés, accompagnés.
Au premier plan, à droite, Françoise Irigoyen de Grandmont (Tours), et au dernier rang, on devine Stéphane Bessou de Jean Mermoz (Bourges).

Notre prix est né au siècle dernier, en 1991, en un passé lointain, pittoresque et innocent où les téléphones portables étaient d’encombrants objets contondants, coulés en fonte, et dont l’esthétique imitait celle des talkies-walkies de l’armée soviétique. Peut-être vous souvenez-vous que les ordinateurs fonctionnaient encore avec des floppy disks souples aussi grands que des 45 tours. En ce temps-là, il suffisait de notre seule affiche punaisée au mur du CDI pour attirer à nous tous ceux que démangeait un prurit littéraire. Les candidatures étaient presque toutes individuelles, et émanaient d’adolescents au profil uniformément romantico-torturé, très occupés à se composer un personnage d’insomniaque mangeur d’opium, et buveur de café à l’index jaune de nicotine, à mi-chemin entre Edgar Poe, Sylvia Plath et Charles Bukowski.

Puis, mille sollicitations virtuelles ont capté l’attention de nos auteurs potentiels, les réseaux sociaux ont absorbé et détourné leur fougue littéraire, tandis que des affiches de toutes sortes envahissaient les CDI et que mille tâches nouvelles s’abattaient sur les documentalistes. Les candidatures individuelles se sont faites plus rares ; pourtant nous avons continué à recevoir un contingent de 90 à 110 nouvelles, bon an mal an, et ce grâce au dynamisme de nos collègues de lettres. Ils sont peu à peu devenus d’indispensables rabatteurs de talents dont nous n’avions pas encore suffisamment mesuré l’importance. 

C’est à eux que je souhaite m’adresser aujourd’hui, pour les remercier.

Je vous admire d’avoir vaincu chaque année l’inertie et la répugnance adolescente à se lancer dans une activité à risque, et d’avoir motivé vos élèves pour un projet qu’ils ont peut-être considéré avec méfiance, puisqu’il n’était pas immédiatement scolaire, utilitaire et inscrit au programme. Je vous admire d’être parvenus à les faire passer de l’autre côté du cordon rouge qui sépare les visiteurs et les objets exposés dans un musée, et de leur avoir fait percevoir qu’on ne peut comprendre la littérature qu’à partir du moment où l’on s’octroie à soi-même le droit d’en écrire aussi.. Je compatis avec toutes les difficultés que vous avez immanquablement rencontrées, comme par exemple celle de suggérer des modifications avec tact, pour ne pas provoquer le découragement du jeune auteur qui croyait son premier brouillon génial, et pour ne pas lui donner l’impression que vous saviez mieux que lui ce qu’il cherchait à écrire.

Je vous remercie d’avoir su faire comprendre à vos élèves ce qu’est une nouvelle, car ce genre mal connu donne par sa brièveté une impression de facilité trompeuse.

Certains s’imaginent que la nouvelle est un terrain d’entraînement au roman, une sorte d’étude à l’aquarelle qui précèderait la peinture d’une grande toile à l’huile. Méfions-nous de ce qui paraît trop simple ! Tous ceux qui ont essayé de jouer du triangle ou des maraccas ont vite compris que ces instruments du pauvre sont réservés aux percussionnistes chevronnés. En effet, la nouvelle est un genre frustrant où l’on apprend à manier un outil bien plus exigeant que le stylo : la gomme ! Peu importe que l’on soit plein des détails de son histoire et de ses personnages, il faut savoir se taire et élaguer sans cesse, de même qu’il faut savoir manier l’ombre pour créer un effet de clair-obscur.

Mais surtout, chers collègues que nous retrouvons chaque année un peu comme des maîtres de haras sur un champ de course, par exemple Françoise Irigoyen de Grandmont, qui fait participer ses élèves à notre concours depuis déjà 14 ans, ou Stéphane Bessou, de Jean Mermoz, je vous envie, pour la synergie fiévreuse que vous suscitez, pour ces moments magiques où un groupe est habité d’une même ardeur, où une salle de classe devient un atelier de création euphorique.